L'usine de vaccins menacée de fermeture en Afrique du Sud
13 mai 2022Il y a un an, l'Afrique du Sud célébrait l'ouverture de la première chaîne de production de vaccins anti-Covid-19 du continent. Ce site de l'entreprise Aspen dispose des équipements pour la fabrication de vaccins à ARN messager. Cette technique copie, en quelque sorte, les informations contenues dans notre génome pour permettre la synthèse de protéines nécessaires au bon fonctionnement de nos cellules.
Mais aujourd'hui, cette usine sud-africaine risque d'être fermée en raison de la demande trop faible. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a appelé les organisations internationales et humanitaires à se procurer des vaccins auprès de fabricants africains. Un appel lancé lors du sommet virtuel mondial consacré à la Covid-19, organisé jeudi (12.05) à l'initiative des Etats-Unis, de l'Allemagne qui préside le G7 et de l'Indonésie qui préside le G20.
Les "on-dit"
Trisha secoue la tête quand on lui demande si elle est vaccinée : "Des gens sont morts après avoir été vaccinés, croit-elle savoir. Alors j'ai eu peur. Je ne veux pas risquer ma vie."
A 19 ans, cette étudiante du Cap a entendu de nombreuses rumeurs hostiles à la vaccination anti-Covid.
Elle raconte que seulement la moitié des membres de sa famille sont vaccinés. C'est un peu plus que la moyenne nationale puisqu’environ 40 % des Sud-Africains adultes sont complètement vaccinés.
Sur l’ensemble du continent, seulement 15%, alors que l’objectif de l'Organisation mondiale de la Santé était une couverture de 70 % pour tous les pays d'ici à juin 2022. Jusqu'à présent, seules l'île Maurice et les Seychelles ont atteint ce chiffre en Afrique.
Pionnier sud-africain
Aspen Pharmacare Group est l’entreprise qui a commencé il y a un an à fabriquer des vaccins anti-Covid-19 en Afrique du Sud, dans la ville de Gqeberha.
La chaîne de production a reçu un financement à long terme de 600 millions d'euros de la part d'agences de développement, dont celle de l’Allemagne.
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa avait qualifié cet accord d'"historique". Aspen avait déclaré pouvoir fabriquer plus de 200 millions de doses par an pour Johnson & Johnson. Ce chiffre n'a jamais été atteint.
Aspen a ensuite acquis les droits de fabrication de son propre vaccin, l'Aspenovax... mais aucune commande n’a été enregistrée, et l’usine risque de devoir se reconvertir.
Ce scénario inquiète le virologue Wolfgang Preiser, de l'université de Stellenbosch : "J'espère que ces sites, qui ne sont peut-être plus nécessaires à la production des vaccins anti-Covid, pourront être reconvertis pour produire d'autres types de vaccins", dit-il.
Et le scientifique poursuit : "Je ne sais pas si c'est possible pour les vaccins Johnson&Johnson, mais je parle surtout des vaccins à ARN messager (ARNm). Ce domaine a vraiment connu une énorme accélération pendant la pandémie. Beaucoup pensent qu'à l'avenir, nous disposerons de vaccins à ARN messager contre un certain nombre d'autres maladies, dont peut-être aussi contre le cancer."
Trop peu de vaccins produits en Afrique
Environ 60 % des vaccins anti-Covid-19 utilisés en Afrique sont passés par le mécanisme COVAX (COVID-19 Vaccines Global Access), soutenu par les Nations unies.
Seul environ 1 % des vaccins utilisés en Afrique sont actuellement fabriqués sur le continent. On est encore loin de la volonté affichée par les dirigeants au début de la pandémie, de voir 60 % de tous les vaccins produits localement d'ici 2040.
Six pays africains ont obtenu de l’aide de l’OMS pour établir leur propre site de production de vaccin à ARN messager. "Les vaccins produits en Afrique doivent être obtenus en Afrique et pour les gens en Afrique. C'est vital pour la sécurité sanitaire du continent aujourd'hui et demain", a conclu Cyril Ramaphosa lors du sommet virtuel.