Alassane Ouattara renonce à un nouveau mandat présidentiel
5 mars 2020Ce devait être le discours annuel du président sur l'état de la Nation. Mais devant le Congrès réuni à Yamoussoukro ce jeudi (05.03.2020), l'annonce d'Alassane Ouattara qu'il ne sera pas candidat à la présidentielle du 31 octobre 2020 a nettement dominé les aspects de la réforme constitutionnelle qu'il souhaitait introduire.
Le discours d'une trentaine de minutes, bien structuré, ressemblait plutôt à un bilan des deux mandats qui s'achèvent bientôt.
En dehors de la réforme constitutionnelle qui impliquerait notamment la disparition de la cour suprême et la nomination plutôt que l'élection du vice-président, Alassane Ouattara a rappelé ses réalisations : de la construction de routes à la gratuité de l'école en passant par la création de trois millions d'emplois, l'introduction d'un revenu minimum garanti aux agriculteurs, la réduction de plus de 20% de la pauvreté et la réconciliation après les violences post-électorales de 2010-2011.
Transfert du pouvoir à une jeune génération
Jusque-là, on pouvait croire que ce bilan globalement positif serait suivi de l'annonce qu'il désirait poursuivre sa tâche.
Mais au bout d'une vingtaine de minutes, Alassane Ouattara a rappelé sa promesse de ne pas être candidat. Pourtant il avait soutenu durant les précédents mois, que le changement de constitution en 2016 lui permettait cela.
C'est donc contre toute attente que le président ivoirien a dit vouloir respecter sa promesse, malgré la protestation apparente de certains élus dans la salle du Congrès.
"En conséquence ... (il est interrompu à plusieurs reprises par certains députés) en conséquence, je voudrais vous annoncer solennellement que j'ai décidé de ne pas être candidat à l'élection présidentielle .... (il est de nouveau interrompu), à l'élection présidentielle du 31 octobre 2020 et de transférer le pouvoir à une jeune génération", déclare Alassane Ouattara.
Lire aussi → Le "message politique" de Ouattara à Gbagbo et Bédié
Le président Alassane Ouattara est âgé de 78 ans. Parmi ses adversaires directs depuis plusieurs années, il y a l'ancien président Henri Konan Bédié âgé de 86 ans - son ancien allié avec qui il s'est brouillé - et qui n'écarte pas l'idée de se présenter.
Il y a aussi l'ancien président Laurent Gbagbo, 75 ans, qui est jugé devant la Cour pénale internationale à La Haye.
Seul jusqu'ici à avoir annoncé sa candidature : Guillaume Soro, 48 ans, ancien Premier ministre ivoirien.
Pour Issiaka Fofana, un de ses proches qui s'exprimait depuis la France, "hormis ces trois personnalités qui, je l'espère, sortiront définitivement du jeu politique, la seule personne aujourd'hui, de toute cette nouvelle génération, qui ait occupé un certain nombre de fonctions et qui ait véritablement une expérience du pouvoir d'Etat, je pense bien que c'est Guillaume Soro".
Mais Guillaume Soro, également un ex-allié du président Ouattara, est en exil en Europe, recherché par la justice ivoirienne qui a émis un mandat d'arrêt contre lui.
Des réactions variées au sein de la classe politique
L'ancien Premier ministre Pascal Affi Nguessan, un des cadres du Front populaire ivoirien créé par Laurent Gbagbo souligne "un acte fort qu'il faut saluer". Député, il était présent au Congrès de Yamoussoukro.
Contacté, Alphonse Djédjé Madi, une des voix fortes du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) de Henri Konan Bédié, dit "ne pas avoir de commentaires sur le moment".
Ecouter aussi → Soulagement, questions et fermeté dans les rues d'Abidjan
Pour la propre famille politique du président Alassane Ouattara, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), c'est une période délicate qui s'ouvre et il faudra trouver un consensus, même si la préférence du président pour le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly est souvent évoquée.
La déclaration d'Alassane Ouattara pourrait avoir des conséquences en Afrique
En Guinée par exemple, le président Alpha Condé est fortement soupçonné de vouloir s'accrocher au pouvoir. Certains de ses proches soutiennent que le chef de l'Etat guinéen devrait pouvoir bénéficier de plus de temps pour terminer ses réalisations.
Mais Oswald Padonou, président de l'Association béninoise d'études stratégiques et basé en Côte d'Ivoire, pense que la déclaration du président Ouattara "peut tout à fait inspirer le président guinéen Alpha Condé. Parce qu'on voit bien qu'en Guinée on va vers le chaos, vers une situation intenable".
Même si le contexte n'est pas le même et que les deux dirigeants n'ont pas hérité du pouvoir dans les mêmes conditions, l'expert Oswald Padonou pense qu'il y a eu "tout de même des progrès beaucoup plus importants en Côte d'Ivoire ces dix dernières années, comparés à ceux qui ont été accomplis en Guinée".
En Guinée, l'opposition demande au président Alpha Condé de dire clairement qu'il ne va pas briguer un troisième mandat. Ce qu'il n'a toujours pas fait.
Ecoutez aussi → L'analyse du politologue Oswald Padonou sur le RHDP