Des tracteurs bloquent les routes d'Allemagne
8 janvier 2024"Si le paysan est ruiné, ta nourriture sera importée". Voici l'un des slogans scandés aujourd'hui en Allemagne. Des tracteurs bloquent depuis ce matin les voies de circulation dans plusieurs villes, ainsi que des entrées d'autoroute.
La circulation a même été complètement interrompue à la frontière avec la France. Le gouvernement allemand prévoit en effet de supprimer une partie des subventions accordées aux agriculteurs pour le diesel. Certains paysans ont donc commencé à protester aujourd'hui, avec des convois de tracteurs pour bloquer les routes dans plusieurs Länder.
Fin du coup de pouce au diesel
Les agriculteurs allemands dénoncent le projet du gouvernement fédéral de supprimer progressivement, d'ici à 2026, les subventions accordées pour le diesel, qui est le carburant utilisé pour faire fonctionner les tracteurs et de nombreuses machines agricoles.
Peter Kaim, agriculteur près de Berlin, a fait ses comptes : "On consomme 120.000 litres de diesel par an et actuellement, l'Etat nous reverse 21 centimes par litres, ça fait quand même 25.000 euros par an."
En moyenne, un agriculteur allemand touche, par hectare d'exploitation, près de 300 euros d'aides directes de l'Union européenne chaque année.
Les subventions au diesel versées par le gouvernement fédéral représentent environ 5% des aides annuelles totales, selon l'agronome Alfons Bahlmann, de l'Institut Leibnitz de la ville de Halle. "Les agriculteurs peuvent supporter ces réductions. Les entreprises agricoles ont gagné beaucoup d'argent ces dernières années, estime le chercheur. Et puis elles sont assez fortes en capital, alors elles peuvent encaisser de petites baisses de revenus."
Concurrence européenne et mondiale
Mais les fédérations d'agriculteurs craignent de ne plus être concurrentielles si les subventions baissent. Seuls trois autres Etats membres de l'UE taxent plus le diesel que l'Allemagne. Les producteurs de lait et de céréales notamment redoutent de ne plus entrer dans leurs frais et donc de ne plus pouvoir écouler leurs produits aux prix du marché si les aides au carburant sont supprimées.
Les ministres-présidents de plusieurs régions, représentants plusieurs partis, réclament eux aussi au gouvernement de revoir sa copie. Ils reprochent à l'équipe d'Olaf Scholz de faire des économies pour le budget 2024 sur le dos des agriculteurs. Ceux-ci seraient "pris en sandwich" entre la concurrence internationale, le prix des assurances en hausse, les aides publiques en baisse et des normes environnementales de plus en plus sévères. Les exploitations familiales craignent aussi pour leur survie.
Le ministre de l'Economie, Robert Habeck, souligne aujourd'hui sur le réseau X qu'en dépit des diminutions annoncées, l'Etat compte malgré tout maintenir une grande partie des aides à la branche. Le ministre écologiste met également en garde contre une récupération possible du mouvement par des groupuscules d'extrême-droite.
La mobilisation des agriculteurs est annoncée pour continuer toute la semaine. Des chauffeurs routiers se joignent au mouvement.
A partir de mercredi, les chemins de fer seront par ailleurs également en grève, ce qui augure de blocages importants dans les transports.
Suite du mouvement
La fédération des agriculteurs n'a pas annoncé beaucoup d'actions pour la deuxième journée de mobilisation, demain. Seuls trois convois dans le Brandebourg, en Hesse et en Saxe-Anhalt qui ne devraient pas beaucoup perturber la circulation. En revanche, les protestations massives devraient reprendre mercredi.
Et puisqu'on évoquait la récupération politique de la protestation des agriculteurs ; à Dresde, le mouvement d'extrême droite "Freie Sachsen" a rassemblé plusieurs milliers de personnes. Les manifestants ont défilé dans la vieille ville en appelant à une "journée de résistance".
Par ailleurs, en Basse-Saxe, un automobiliste a fauché un manifestant en tentant de contourner une manifestation d'agriculteurs. Le manifestant a été grièvement blessé.