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La police devrait-elle révéler l'origine des suspects ?

Volker Witting
12 août 2024

La question de savoir si la police doit communiquer la nationalité des suspects fait débat. Un autre Etat-région prévoit de mentionner systématiquement l'origine.

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Un policier portant un pistolet à la ceinture se tient devant une voiture de patrouille (15.03.2019)
En 2023, près de 6 millions de délits ont été enregistrés par la police Image : Karl-Josef Hildenbrand/dpa/picture alliance

Il y a plus de délits violents, de viols, de vols et de cambriolages en Allemagne. Le nombre de délits enregistrés a atteint un niveau record l'année dernière. Le taux de criminalité a nettement augmenté - de 13,5 pour cent - en particulier chez les personnes sans un passeport allemand.

Le secrétaire général du FDP Bijan Djir-Sarai lors d'une rencontre de son parti
Bijan Djir-Sarai : "Les Allemands doivent se sentir en sécurité et avoir confiance dans le fait que la politique prend le problème de la criminalité étrangère au sérieux"Image : Michael Kappeler/dpa/picture alliance

Cela a fait réagir la classe politique et a déclenché des débats. Notamment sur la question de savoir si la police doit toujours mentionner la nationalité des suspects. Absolument, estime désormais le secrétaire général du parti libéral FDP, qui fait partie de la coalition gouvernementale. Bijan Djir-Sarai a déclaré au journal Bild am Sonntag que "les autorités devraient donc à l'avenir toujours mentionner la nationalité des suspects lorsqu'elles donnent des informations sur des délits, afin de créer la transparence nécessaire. (...) Il ne faut pas donner l'impression que les problèmes sont mis de côté".

La classe politique divisée 

La proposition de Djir-Sarai a reçu le soutien de son parti libéral (FDP) et de l'opposition conservatrice de la CDU/CSU. Les conservateurs estiment qu’indiquer la nationalité des auteurs présumés de crimes dans toute l'Allemagne garantit "transparence et crédibilité". Pour le parti d’extrême droite AfD, la proposition ne va pas assez loin. Il faudrait également que les rapports de police indiquent clairement si les suspects sont des immigrés - c'est-à-dire des personnes ayant un passeport allemand mais d’origines étrangères. Le SPD et les Verts sont fermement opposés à la proposition de Djir-Sarai. Ils veulent s'en tenir à la réglementation actuelle. 

Ce débat houleux en Allemagne n'étonne pas le juriste et criminologue de l'université de Münster, Christian Walburg. Il déclare à la DW que "les acteurs de droite ont reconnu depuis longtemps que ce thème leur permettait de créer une ambiance particulière. La criminalité est plus apte que tout autre thème à attiser les aversions, les peurs, les angoisses, les craintes et les ressentiments".

Le criminologue Christian Walburg de l'université de Münster (15.05.2024)
Le criminologue Christian Walburg qualifie la controverse de "faux débat"Image : Privat

Les autorités policières et judiciaires des 16 Etats-régions sont compétentes en la matière. Elles décident dans quels cas elles mentionnent la nationalité des suspects et la transmettent à la presse. Le criminologue Walburg explique : "Aujourd'hui déjà, la nationalité est souvent mentionnée lors d'incidents et de délits plus graves. Et lorsqu'il y a un lien avec les réfugiés, toute l'Allemagne en discute".

C'était par exemple le cas fin 2015, lorsque des femmes en particulier ont été victimes de harcèlement sexuel à proximité de la gare centrale de Cologne. Après une réticence au début, la presse a également fait état de la nationalité des suspects. Beaucoup venaient d'Afrique du Nord et n'étaient pas de nationalité allemande.

Le code de la presse comme ligne directrice

La plupart des services de presse des autorités judiciaires et policières se basent sur le code du Conseil allemand de la presse pour leurs relations publiques. Celui-ci stipule que la nationalité ne devrait en principe pas jouer de rôle dans les reportages. Il n'en va autrement que lorsqu'il existe "un intérêt public justifié" pour l'origine des suspects. La mention de la nationalité ne doit pas conduire à "une généralisation des comportements individuels répréhensibles".

Les initiatives de protection des réfugiés, Amnesty International et les associations de journalistes redoutent que la mention de la nationalité dans tous les cas renforce les préjugés, attise les peurs et encourage le racisme.

La police "devrait déjà être l'autorité qui décide de ce qui peut être mentionné ou non", déclare Henrik Zörner de l'association allemande des journalistes à la DW. "Il y a en effet un risque que la mention de la nation ou de l'origine ethnique des criminels prenne le dessus et que la protection des minorités ancrée dans le code de la presse allemand soit ainsi vidée de son sens".

De nombreuses personnes sont visibles sur le parvis de la gare centrale de Cologne (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) le 31 décembre 2015. La nuit de la Saint-Sylvestre, des femmes avaient été agressées sexuellement à la gare centrale de Cologne
Réveillon de la Saint-Sylvestre 2015 à Cologne - 1200 plaintes pénales en une nuitImage : Markus Boehm/dpa/picture alliance

La Rhénanie-du-Nord-Westphalie invoque la transparence

Depuis un certain temps déjà, certains Etats-régions publient la nationalité des suspects : par exemple le Brandebourg, le Mecklembourg-Poméranie occidentale et la Saxe. L'Etat-région le plus peuplé, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie veut également faire de même à l'avenir. Le ministère de l'Intérieur a expliqué vouloir être transparent. 

Le criminologue Christian Walburg craint des "effets secondaires discriminatoires", mais désigne également un avantage : "Cela signifie un certain soulagement pour la police si elle mentionne simplement la nationalité de manière générale dans chaque communiqué de presse".

Dans plusieurs autres Etats-régions, la pratique jusqu'ici plutôt réservée en matière de mention de la nationalité est en cours de révision. On ne sait pas si la nouvelle réglementation de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la proposition de Djir-Sarai du FDP feront école. Chaque Etat-région décide de manière indépendante.