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Au Sahel, une justice aux ordres des putschistes ?

25 juin 2024

Au Mali, comme au Burkina Faso et au Niger, la justice semble inerte face à la multiplication des arrestations qualifiées de tentatives de faire taire toute opposition.

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Image symbolique de la justice
Plusieurs voix, notamment des organisations de défense des doits de l'homme dénoncent une répression des voix critiques dans les pays de l'AESImage : Andreas Pulwey/picture alliance

"Une visite d'amitié et de travail" : c'est ainsi qu'est décrit le déplacement, ce mardi 25 juin à Ouagadougou, du président de la transition du Mali, le colonel Assimi Goïta. Une visite qui intervient peu de temps après les tensions qui ont secoué le Burkina Faso, avec des rumeurs de mutinerie et de nouveau coup d'Etat.

Le chef de la junte malienne arrive à Ouagadougou alors que dans son pays, plusieurs opposants ont été arrêtés et incarcérés. Une répression des voix critiques qui se retrouve aussi au Burkina Faso et au Niger.

Suspensions de médias

Mi-septembre 2023, le Niger, le Burkina Faso et le Mali créaient l'Alliance des Etats du Sahel, l'AES,  pour "mutualiser leurs efforts" dans leur lutte contre les groupes djihadistes qui contrôlent une partie du territoire de ces pays.

Face à la menace sécuritaire, les trois juntes militaires réagissent par la répression de toute forme d'opposition.

Au Burkina Faso, alors que les proches de l'avocat et militant des droits de l'homme, Guy Hervé Kam, réclament toujours sa remise en liberté, on a appris l'interpellation toute récente d'un journaliste.

 Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani, Ibrahim Traoré
Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani, Ibrahim Traoré, les trois dirigeants des pays de l'AESImage : Francis Kokoroko/REUTERS; ORTN - Télé Sahel/AFP/Getty; Mikhail Metzel/TASS/picture alliance

Il s'agit du directeur de la publication du journal d'investigation L'Evénement, Serge Atiana Oulon. Il y a quelques jours, le Conseil supérieur de la communication avait décidé de suspendre le média pour un mois.

Une décision perçue par certains comme une tentative de musellement pour empêcher le journal de continuer ses enquêtes.

Les mêmes reproches au Mali

Au Mali, dix opposants ont été placés en détention, lundi, après avoir été arrêtés le 20 juin alors qu'ils participaient à une réunion à Bamako.

 Les activités des partis politiques ont été suspendues dans le pays  le 10 avril dernier, tandis que le lendemain, les autorités militaires ont interdit aux médias toute publication sur les activités des partis politiques.

Les dix opposants incarcérés l'ont été après avoir appelé la junte à rendre le pouvoir aux civils. Ils ont été inculpés pour "complot contre les autorités légales " et réunion illégale, selon leurs avocats.

Selon le juriste et ancien ministre de la Justice du Mali, Mamadou Ismaïla Konate, les juges doivent éviter d'être aux ordres et se mettre "au-dessus de tout et de tous les soupçons".

"Le peuple est souverain"

"Lorsqu'un juge ne sait rien faire que de répondre aux ordres d'une autorité militaire doublée d'une autorité exécutive, le juge a décidé de s'extraire de sa fonction, de sa mission et de ne plus reconnaitre à sa fonction et sa mission toute la noblesse qui l'habite" assure Mamadou Ismaïla Konate.

Dans un communiqué, l'organisation de défense des droits de l'homme, HRW, a dénoncé, je cite, une "nouvelle attaque des autorités contre l'opposition " et signale que "depuis le coup d'Etat militaire (de 2020), la junte malienne a intensifié sa répression de la dissidence pacifique, l'opposition politique, la société civile et les médias".

Et à chaque fois, c'est à la justice qu'il revient de juger les voix critiques interpellées. Une justice sous pression dans les trois pays de l'AES.

Le Niger ne fait pas exception

Au Niger, l'indépendance de la justice est en effet aussi questionnée, alors que celle-ci apparaît de plus en plus comme subissant des pressions de la part de la junte au pouvoir.

Le Syndicat autonome des magistrats du Niger admet pour sa part que la justice nigérienne va mal. C'est pourquoi il exige une réforme en profondeur du système.

"Pour que la justice puisse vraiment être indépendante, efficace, saine et accessible à tous, la première réforme à faire, d'abord, c'est certaines lourdeurs qu'il faut élaguer et réformer. La deuxième préoccupation, c'est par rapport à l'indépendance même de la justice. Nous estimons que le peuple nigérien, qui aspire à une justice véritablement efficace, doit lutter pour que la justice soit indépendante : que cela soit du côté du siège ou du parquet ou les procureurs… personne ne doit donner des instructions (aux juges)" précise Yahaya Doubou le secrétaire général du Syndicat.

Au Mali, au Niger et au Burkina Faso, les juges, mais aussi les journalistes, semblent donc être les premières victimes de la restriction des libertés publiques imposée par les militaires au pouvoir.

DW Französisch Carole Assignon
Carole Assignon Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_afrique