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Burkina : les salariés appelés à financer l'effort de guerre

Charles Bako
13 janvier 2023

Cent milliards de francs CFA, c’est le montant dont le gouvernement burkinabé a besoin pour soutenir l’effort de guerre et notamment le recrutement de ce qu’on appelle les "volontaires pour la défense de la patrie."

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Ibrahim Traore, chef de la junte au Burkina Faso
Le capitaine Ibrahima Traoré appelle les Burkinabè à contribuer financièrement pour l'effort de guerreImage : AA/picture alliance

Le gouvernement burkinabè a lancé cette initiative en proposant un prélèvement volontaire de 1% sur le salaire des fonctionnaires et des salariés du privé. Les membres du gouvernement ont décidé de céder 5% de leur salaire. Cette contribution devrait permettre l’achat d’équipement militaire et la prise en charge des volontaires civils. Mais certains redoutent le manque de transparence dans son utilisation.

Une décision controversée

L'implication des salariés burkinabè dans l’effort de lutte contre le terrorisme a été voulue par la junte au pouvoir qui souhaite mobiliser ainsi la population.

Nestor Batio Bassiere, ancien ministre et ancien député, invite toutefois les autorités à lever les doutes concernant l’utilisation des fonds. "Le gouvernement pourra réussir l’effort demandé aux Burkinabè si toutefois ceux-ci sont convaincus que l’argent qui sera retenu servira réellement a l’effort de guerre. Sinon, je ne pense pas qu’ils accepteront de cotiser pour enrichir d’autres personnes."

La contribution n’est pas obligatoire mais fait appel à un esprit de patriotisme mis souvent en avant par les autorités militaires de la transition. Aziz Nignan, promoteur de la société coopérative Faso Tomate apprécie l’initiative. Selon lui, cet argent pourrait être mobilisé en moins d’un trimestre grâce aux institutions financières sur place. "L’initiative est à saluer et à féliciter. Ce fonds est d’abord patriotique. Ça va nous permettre de défendre notre intégrité territoriale parce que s’il n’y a pas de territoire, il n’y a pas d’économie. Nous, les acteurs économiques, allons contribuer massivement pour que nous puissions mobiliser ce besoin de 100 milliards en un maximum trois mois. Je sais qu’il y a des institutions financières ici qui peuvent mobiliser 100milliards en deux semaines. Avec des concertations bien nourries, nous pouvons mobiliser ces 100 milliard en moins d’un trimestre. Moi je m’engage et je soutiens cette initiative pour la défense de la patrie."

Des syndicats restent méfiants

L’Unité d’action syndicale s’est toutefois montrée réticente face à cette proposition du gouvernement de prélever 1% sur le salaire des fonctionnaires et des travailleurs du secteur privé. Abdoulyae Diallo, coordonnateur du Centre national de presse Norbert Zongo, et Arouna Louré, fonctionnaire, font remarquer que la seule réponse militaire ne peut pas tout résoudre et qu’il Il faudrait d’abord faire un bilan des fonds de soutien dont bénéficie l’Etat burkinabè. 

Des militaires sur un axe routierlors du coup de force militaire
Les forces armées burkinabè sont confrontées à des groupes armés qui occupent une partie du territoire du paysImage : Kilaye Bationo/AP/dpa/picture alliance

"Moi je suis convaincu que ce n’est pas avec les armes qu’on va venir à bout du terrorisme. Je ne crois pas au tout militaire. Je crois que ce problème peut être résolu à 40% ou 50% par une autre approche, il faut changer de manière de faire. Il faut arrêter toutes les exactions et trouver d’autres moyens de réconcilier les Burkinabè et les ramener dans la République. Si c’est un effort pour permettre à la culture d’être utilisée pour réconcilier, ramener le vivre ensemble et réduire ce problème qui nous arrive, oui, moi je suis partant. Mais si c’est pour prélever 1% de mon salaire uniquement pour acheter des armes pour tuer, je ne suis pas d’accord. Il faut d’abord qu’on fasse l’audit de l’armée."

"Jusqu’à présent, concernant tous les fonds de soutien, on ne nous a pas encore fait le point sur leur utilisation. Et également on ne nous a pas dit où se trouvent les déficits. On doit d’abord faire un diagnostic clair et net."
                
Le gouvernement burkinabè a besoin de100 milliards de francs CFA pour alimenter ce fonds de soutien. Chaque membre du gouvernement va ainsi céder 5 % de son salaire.  

"Ce fonds a plusieurs composants dont un composant sur la contribution des fonctionnaires et des travailleurs du privé. Et pour ce composant, nous avons voulu qu’il soit volontaire dans la mesure où on n’a pas pu dégager un consensus parmi les partenaires sociaux pour la contribution. Donc de façon concrète ce qui sera fait : nous allons disponibiliser des fiches en ligne comme de façon physique, pour que des fonctionnaires qui veulent apporter leur contribution puisse le faire. Nous attendons un montant de près de 100 milliards pour pouvoir faire face aux dépenses liées aux volontaires pour la défense de la patrie", explique Aboubacar Nacanabo, ministre de l’Economie des finances et de la prospective explique à sa sortie du Conseil des ministres 

Les parlementaires devraient aussi donner une partie de leur salaire. Mais les députés de l’Assemblée législative de la transition doivent encore préciser la forme et la nature de leur contribution.

Enfin, l’augmentation sévère de certaines taxes sur les produits de grandes consommations devrait aider l’Etat à faire face à ses dépenses. Des taxes de 55% sur le tabac, 70% sur les vins et 40% sur la bière ont ainsi déjà été mises en place.

Charles Bako Correspondant au Burkina Faso pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais