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Bénin : des femmes retenues à l'hôpital après l'accouchement

Anne Baier | Tania Krämer
21 juin 2023

Pendant deux mois, quatre jeunes mères ont été retenues car elles ne pouvaient payer la facture de l'accouchement. Cela a indigné de nombreux Béninois.

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Deux femmes discutent au marché Dantokpa, à Cotonou au Bénin, 2022
Deux femmes discutent au marché Dantokpa, à Cotonou au Bénin, 2022Image : Francois Galland/Godong/picture alliance

Leur calvaire a duré deux mois. Mi-mars 2023, quatre femmes accouchent à l'hôpital public Mènontin, dans la ville de Cotonou, au Bénin.

Mais au lieu de rentrer ensuite chez elles avec leur bébé, elles sont enfermées dans l'infirmerie, sans être soignées, ou même nourries.

L'une de ces mères a accepté de témoigner anonymement : "Mon enfant avait un problème respiratoire. Bien que mon bébé se soit rétabli, j'ai dû rester deux mois dans cet hôpital. Je ne veux même pas penser à ma facture, cela me rend malade. Mais Dieu merci, elle est maintenant payée par le fonds social".

Pour le séjour à l'hôpital et la prise en charge de son enfant, elle aurait dû payer une facture de 68.000 francs CFA - soit l'équivalent de 100 euros. Elle et son mari n'en avaient pas la capacité.

Une sage-femme informe des femmes enceintes à Bohicon au Sud du Bénin, en 2016
Une sage-femme informe des femmes enceintes à Bohicon au Sud du Bénin, en 2016Image : Delphine Bousquet/AFP/Getty Images

Un problème de fonds

C'est d'ailleurs le cas de plus en plus de parents, explique Alice GuidiI Gbohoun Avodagbe.

Directrice du service social de l'hôpital Mènontin où ces jeunes mères ont été retenues, c'est elle qui décide des aides financières.

"C'est au cas par cas, nous pouvons prendre en charge des interventions, des opérations ou des examens", explique-t-elle. "Sinon, dans la plupart des cas, nous nous limitons aux frais d'hospitalisation. Parce que le fonds disponible ne permet pas de prendre en charge de bout en bout un malade qui doit nous coûter par exemple trois millions."

Trois millions de francs CFA, soit environ 4.500 euros. Depuis 2005, un fonds de santé tente de soutenir les personnes dans le besoin. Mais chaque année, seules 10.000 personnes sont prises en charge par cet organisme, ce qui est loin d'être suffisant.

Le système de santé béninois manque par ailleurs cruellement de médicaments, d'équipements et de personnel qualifié. La question d'une assurance de santé universelle est une problématique récurrente sur le continent. 

Comment vont les hôpitaux publics en Afrique ?

Une violation de la Constitution

Saturnin Agbani est avocat et président de l'Association béninoise pour le droit de la médecine et de la santé. Il s'offusque de la privation de liberté qu'ont subie ces quatre femmes.

"Si vous connaissez le montant de la facture, vous devez saisir le juge compétent pour réclamer les frais. On ne peut pas retenir les patients ! Ce n'est pas possible ! Le fait que ces femmes aient été détenues est une violation de la Constitution par l'hôpital " dit l'avocat.

La Constitution béninoise consacre en effet le principe de l'égalité d'accès aux soins de santé et l'obligation de protéger particulièrement les mères et les enfants. Différentes associations comme la section béninoise d'Amnesty International, se sont mobilisées pour faire réagir l'Etat et l'opinion publique.

L'histoire des quatre mères a fait la une des médias au Bénin, suscitant beaucoup d'émoi. Le gouvernement a fini par intervenir et les factures ont été réglées par le fonds social. Les femmes ont pu quitter l'hôpital avec leurs bébés.

Heureusement, tous sont en bonne santé, mais la misère des hôpitaux au Bénin, elle, demeure.