Covid-19 : les gouvernements africains mis à l'épreuve
2 juin 2020Les pays africains ont en général bien réagi jusqu'ici à la pandémie de la Covid-19, mais le contexte de crise sanitaire pourrait provoquer une redistribution des cartes au plan politique.
L'étude que vient de publier la fondation allemande Konrad Adenauer concerne six pays du continent : trois anglophones (Afrique du Sud, Tanzanie et Ouganda) et trois francophones (Mali, Côte d'Ivoire et République démocratique du Congo)
La crise de la Covid-19 a exposé les gouvernements en Afrique
Dans le document de 40 pages, publié par la fondation Konrad Adenauer, les auteurs, tous des représentants de cette organisation dans les pays étudiés, se disent satisfaits des mesures prises très tôt par les pouvoirs publics.
Dans un pays comme la RDC, par exemple, le président Félix Tshisekedi est bien perçu dans l'opinion. Mais si la situation échappe au contrôle, ce qui reste possible, des acteurs tels Martin Fayulu qui continue de revendiquer la victoire à la présidentielle, ou encore l'homme d'affaires Moise Katumbi, ancien gouverneur du Katanga pourraient émerger. Les religieux pourraient aussi gagner du crédit.
Le président Tshisekedi pourrait toutefois rester épargné, pense Benno Müchler, le représentant de la fondation Konrad Adenauer à Kinshasa. "Je pense que président Tshisekedi pourrait se maintenir au pouvoir, même après un bouleversement. Vu les dossiers importants qu'il a essayé de pousser, depuis son arrivée. Mais tout ceci reste hypothétique parce qu'on est encore au début de la crise de la Covid-19 en RDC".
La RDC reste menacée par une récession économique grave et des troubles qui risquent d'entraîner toute la région, avertit Benno Müchler.
L'exécutif comme "gestionnaire"
En Côte d'Ivoire, la pandémie survient alors que le pays s'apprête à organiser une élection présidentielle à risque.
Ici aussi, le pouvoir essaie avec ses décisions de se maintenir à flot alors que l'opposition émerge difficilement.
Florian Karner représente la fondation à Abidjan. Il estime que "comme un peu parout dans le monde, l'exécutif a l'avantage de se présenter comme gestionnaire de la crise. Cela donne beaucoup de visibilité dans les médias. Et tout cela sans débats parlementaires, sans débats publics".
Florian Karner dit croire "que c'est un temps très difficile pour l'opposition. Il y a des réunions de grande taille qui sont interdites" et pendant ce temps, le délai de préparation à l'élection se raccourcit.
Le cas du Mali
Au Mali comme dans tout le Sahel, la pandémie de Covid-19 rend la tâche difficile pour le gouvernement. Mais contrairement au Niger, les autorités n'ont pas décidé de fermer les mosquées, ce qui a permis d'éviter des protestations violentes.
Selon Thomas Schiller, responsable du programme Sahel de la fondation Konrad Adenauer à Bamako, "notamment pendant le ramadan, ça a été une décision qui a pu éviter des manifestations tel qu'elles se sont produites à Niamey ou dans d'autres villes au Niger".
Mais selon Thomas Schiller, parler des effets de la pandémie de Covid-19 sur le système politique malien n'est pour l'instant, pas la préoccupation majeure. "Ce sont plutôt des critiques concernant la gouvernance de façon générale. Donc ça, c'est pour le Malien, un sujet beaucoup plus important que le coronavirus. Bien sûr ça, c'est quelque chose qu'on peut affirmer à l'heure actuelle et qui peut encore changer".
L'étude constate par ailleurs un durcissement des règles régissant la liberté d'expression. Ainsi, dans plusieurs pays africains, la presse se retrouve sous une chape de plomb du pouvoir en place.
Enfin, des recommandations sont faites à l'Allemagne quant à une réorganisation de ses actions bilatérales sur la base de l'évolution des enjeux et des acteurs sur le continent.