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Difficile cohabitation entre les tribus Hema et Lendu en RDC

Paul Lorgerie
8 mai 2023

L'histoire présente souvent les populations Hema comme les victimes de la milice Codéco. Mais la communauté que ce groupe armé est censé protéger, les Lendu, sont eux aussi victimes des attaques d'une autre milice.

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À Djugu, les recentes tentatives d’attaques par des miliciens ont été déjoués par l'armée et les casques bleus de la MONUSCO
À Djugu, les recentes tentatives d’attaques par des miliciens ont été déjoués par l'armée et les casques bleus de la MONUSCOImage : AFP/S. Tounsi

"Ce jour-là, ils ont tué beaucoup de personnes. Ici, c'est la fausse commune, ces gens ont été enterrés à Rhoo."

Jean de Dieu Mambo, représentant de la société civile de la chefferie Bahema Nord, fait défiler du doigt, les photos et vidéos de son téléphone. Elles montrent les différentes tueries qui ont eu lieu dans sa communauté, les Hema, au cours des mois derniers.

" Ici, la vie que nous menons à Drodro, c'est terrible et pénible. Mais nous nous demandons, nous le peuple Hema, ce que nous avons fait ? Car nous sommes tués depuis 2017 et nous, les Hema, nous ne tuons pas."

Ce que veut dire Jean de Dieu c'est que, depuis fin 2017, le territoire de Djugu connaît des cycles de représailles entre le groupe mystico-religieux de la Codéco, dressé en défenseur des Lendu, et la communauté Hema.

La confiance semble rompue 

Selon Nestor Kikpa Dhegbo, secrétaire de la chefferie de Bahema-Nord, le retour des violences remonte au 8 janvier.

" Le 8 janvier 2023, il y a ce groupe qui était venu ici, au chef-lieu de Bahema Nord, à Blukwa. Aux environs de 11h ou midi, j'ai appris que Blukwa était déjà attaqué et qu'au marché de Djuda, qui se trouve dans le secteur de Walendu Pitzi, il y avait déjà deux morts, que les Codéco avaient décapité là-bas ", explique Nestor Kikpa Dhegbo.

Ce que Nestor ne dit pas, c'est que l'assassinat d'un enseignant lendu, proche du village de Blukwa, serait à l'origine de ces nouvelles violences.

''Tout a commencé en 1999''

Plusieurs sites de deplacés restent inaccessibles dans le territoire de Djugu à cause de l’activisme des groupes armés
Plusieurs sites de deplacés restent inaccessibles dans le territoire de Djugu à cause de l’activisme des groupes armésImage : Alexis Huguet/AFP/Getty Images

Blukwa… et son allée centrale qui porte encore les traces de la guerre d'Ituri de 1999 à 2003. La localité est quasiment vide. Dans son école qui n'est plus en fonction, Origène Uwonda, son directeur, raconte.

"C'est la situation de ce milieu qui a déplacé la majorité de la population d'ici. Tout a commencé en 1999. Le bâtiment était très bien, mais il a été détruit. Les tôles ont été arrachées et il y a encore d'autres murs de l'autre côté qui, jusque-là, n'ont pas été réhabilités."

Le village, à majorité lendu et sous la protection de la Codéco, est aujourd'hui coupé du monde. Dans le centre de santé, l'infirmier titulaire, Daniel Bidjo Goba, déplore d'ailleurs la mort récente d'une femme en couches parce qu'elle n'avait pas pu être transférée à l'hôpital de référence de Drodro, la route étant coupée à certains endroits par la milice Zaïre.

"La nuit, nous ne pouvions pas transférer la patiente. Nous ne pouvions que l'observer, passivement, jusqu'à la mort. Et cela a énormément impacté le moral de la population", raconte l'infirmier.

C'est pourquoi les habitants de Blukwa parlent désormais des  "gens de l'autre côté" en espérant, qu'un jour, les enfants des deux communautés puissent de nouveau cirer les mêmes bancs de l'école, sans craindre de se faire attaquer.