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EconomieMaroc

La justice invalide les accords Maroc-UE sur la pêche

Hugo Flotat-Talon
4 octobre 2024

C'est une victoire pour les indépendantistes sahraouis : la Cour de justice de l'UE invalide définitivement deux accords commerciaux conclus entre le Maroc et l'UE

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Un bâteau de pêche européen photographié dans un port allemand allemand à la tombée du jour
Les accords de 2019 sur la pêche et l'agriculture ont été conclus en "méconnaissance des principes de l'autodétermination" du peuple sahraoui estime la juridiction basée à LuxembourgImage : Axel Heimken/dpa/picture alliance

C'est une victoire pour les indépendantistes du Front Polisario contre le Maroc et l'Union européenne. Ce vendredi 4 octobre, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu deux décisions : la première annule des accords de pêche entre l'Union européenne et le Maroc, que contestaient les indépendantistes du Sahara occidental. La seconde oblige les pays membres de l'Union à étiqueter clairement les fruits et légumes venant du territoire du Sahara occidental comme tel, et non pas comme des produits marocains. 

Accord de pêche 

Dans le détail, la justice européenne confirme d'abord un ancien jugement, que contestait Bruxelles. Elle considère que l'Union européenne et le Maroc ne pouvaient pas conclure d'accord commercial sans le "consentement du peuple du Sahara occidental". En cause notamment : un accord de pêche de 2019, qui a déjà pris fin en 2023. Il prévoyait l'accès à des navires européens aux zones poissonneuses marocaines, au large du Sahara occidental notamment. 

Un territoire que le Maroc voit comme partie intégrante de son royaume, mais qui est considéré par l'Onu comme "non-autonome", dont le statut post-colonial reste à déterminer. Le Front Polisario en revendique la souveraineté aussi. Le référendum d'autodétermination qui doit s'y tenir pour statuer n'a jamais été organisé, le dossier est en suspens à l'Onu depuis plusieurs décennies.  

Carte du Sahara occidental
Le Sahara occidental est considéré par l'ONU comme un territoire non autonome. Le Maroc et le Front Polisario, soutenu par l'Algérie, se disputent cette ancienne colonie espagnole

"Une décision historique"

Ce sont les indépendantistes du Front Polisario qui avaient contesté l'accord de pêche entre l'Union européenne et le Maroc de 2019. Cette décision représente pour eux une victoire très importante au niveau diplomatique. "Ce sont des décisions historiques, presque même un tournant pour la question du Sahara occidental", réagit sur la DW Aoubi Bouchraya, représentant du Front Polisario auprès de l'Onu à Genève et chargé des procédures devant la Cour de justice de l'UE.  "La Commission et le Conseil ont essayé pendant plusieurs années de contourner les différentes décisions de la Cour de justice. Mais cette fois ci, c'est une décision finale et c'est le juge de la Cour de justice de l'Union européenne qui a dit haut et fort : « Basta »".  

Second jugement sur l'étiquetage des fruits et légumes

Les juges ont aussi rendu un second jugement et donné raison à un syndicat agricole français, la Confédération paysanne. Il réclamait que les tomates et melons, notamment, produits sur les terres du Sahara occidental, soient étiquetés comme tel en Europe. Que ne soit plus écrit "origine Maroc". Ce devra donc être le cas.  

"Cette décision ne me surprend pas dans la mesure où, dès le départ, quand j'étais rapporteur sur ce texte, sur l'accord de libre-échange entre le Maroc et l'Union européenne sur les fruits et légumes, j'avais souligné qu’on ne pouvait pas intégrer le Sahara occidental dans ce texte, dans la mesure où, selon les Nations Unies, ce territoire faisait partie des territoires à décoloniser", réagit sur la DW, José Bové, ancien porte-parole du syndicat et ancien député européen, rapporteur de l'accord de libre-échange entre le Maroc et l'Union européenne. 

"C'est la troisième fois que ce texte est retoqué. Et cela démontre une nouvelle fois que le droit international est plus important que les accords politiques", poursuit l'ancien élu. "C'est très important. Ça veut dire qu'il faut sortir de cette logique et amener l'Union européenne à ne pas être simplement dans des questions de rapports politiques avec le roi du Maroc, mais bien dans la construction d'un droit international. Et donc reprendre le débat sur la question du Sahara occidental", plaide-t-il. 

Un soldat du Front Polisario salue lors d'un défilé militaire pour célébrer le 50e anniversaire du Front Polisario
Depuis 1976 et le départ des colons espagnols, trois visions s'affrontent pour l'avenir du Sahara occidental, aujourd'hui en partie occupé par le Maroc et officiellement considéré par les Nations-unies comme dernier "territoire non autonome" en AfriqueImage : Guidoum Fateh/AP Photo/picture alliance

Un débat qu'espère pouvoir rouvrir aussi le Front Polisario après plusieurs revers diplomatiques récents. Aoubi Bouchraya espère que ces jugements feront bouger les lignes en faveur du Front Polisario désormais. "Le message est clair : le Maroc n'a pas de souveraineté sur le Sahara occidental", insiste-t-il. "Il n'y a pas de manière de résoudre ce conflit en dehors de l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental."  

Pas un mot sur cette question à Bruxelles aujourd'hui. "L'Union européenne entend fermement préserver et continuer à renforcer ses relations étroites avec le Maroc", dit simplement un porte-parole de la Commission.  

Portrait Hugo Flotat-Talon
Hugo Flotat-Talon Journaliste au programme francophone de la Deutsche WelleHugo_FT_