Emeutes en France, une crise sur fond de racisme ?
4 juillet 2023Les violences semblent s'apaiser en France. Le pays a été secoué par de violentes émeutes conduites souvent par de très jeunes garçons. L'événement déclencheur est la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans, d'origine algérienne, abattu par un policier lors d'un contrôle routier à Nanterre, en banlieue parisienne. Plus de 3.000 personnes, ont été interpelées durant cinq nuits d'émeutes. Les dégâts matériels sont considérables. L'ampleur de la violence soulève de nombreuses questions, notamment sur le racisme au sein de la police et le déclassement social de certains quartiers.
"Une réaction au racisme"
Vitrines saccagées, voitures en feu ou encore attaque du domicile d'un maire français : ces scènes ont choqué tout un pays. Dans plusieurs grandes villes,des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues, parfois pour piller, après la mort de Nahel.
Ce sont surtout de jeunes garçons qui expriment leur colère. Et cette colère semble être liée à une exaspération : celle de la multiplication des contrôles policiers qui viseraient les jeunes dans certains quartiers défavorisés.
"Je pense que beaucoup de personnes ont été rappelées à quel point il est courant d'être agressé par la police, en tant que personne de couleur en France. Il existe un problème de racisme systématique dans la police française. La France a été condamnée à plusieurs reprises par des institutions internationales et nationales pour le traitement injuste d'une partie de la population" explique Rokhaya Diallo, auteur et activiste.
Une étude du Médiateur français des droits de l'homme a montré que les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes ont vingt fois plus de chances d'être contrôlés par la police. Beaucoup d'entre eux vivent dans les banlieues - des agglomérations en périphérie de villes comme Paris, Marseille et Lyon.
La professeure de sociologie à l'université de Stony Brook à New York, Crystal Fleming, va même plus loin en établissant un lien entre le racisme d'aujourd'hui et le colonialisme français. Selon elle : "C'est une réaction au racisme français qui couve depuis longtemps. Et il est lié au colonialisme. Ces deux éléments sont d'une manière générale niés et effacés par les autorités et les hommes politiques français, malgré des siècles d'oppression raciale des minorités et des populations colonisées".
Le président Emmanuel Macron a récemment fait des efforts pour affronter l'héritage colonial du pays. La restitution d'œuvres d'art spoliées au Bénin, la mise en place d'une commission d'enquête mixte sur la guerre d'Algérie mais aussi le rapport sur la responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda font partie de ces efforts.
Mais d'après Crystal Fleming, ces efforts ne suffisent pas. Sans la reconnaissance de la responsabilité coloniale de la France, il serait difficile de résoudre le racisme du quotidien en France.
Une question de discrimination de classe
Pourtant, le racisme n'est pas le seul problème au cœur de ces violences. C'est aussi une question de discrimination de classe, comme nous le confirme un résident de Nanterre, la ville où Nahel a été tué.
"L'Etat français est aussi condamnable. Il crée des situations de pauvreté et de ghetto et ça depuis des décennies. Moi, je suis de la génération des bidonvilles, on a toujours connu la pauvreté et la misère et on s'enfonce tous les jours" explique ce résident.
Pourtant, depuis 2005, date des dernières émeutes de banlieue en France, l'Etat français a investi beaucoup d'argent dans la rénovation de ces quartiers. Mais l'embrasement de 2023 montre que 18 ans plus tard, ce sentiment de déclassement et de rejet social que ressentent les habitants de ces quartiers est resté le même, et c'est peut-être aussi aggravé.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme a d'ailleurs publié aujourd'hui son rapport annuel sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en France dans lequel elle souligne l'instrumentalisation du discours politique et les discours de haine sur YouTube.