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"Aucun candidat ne défend vraiment de projet de société"

29 novembre 2023

Interview avec Jérôme Bonso d'Agir pour des élections transparentes et apaisées en RDC, alors que la campagne électorale a officiellement démarré le 19 novembre en République démocratique du Congo.

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La campagne électorale a officiellement démarré le 19 novembre pour les élections du 20 décembre 2023 en République démocratique du Congo. A quelques semaines du scrutin, des interrogations demeurent sur son organisation et son niveau de préparation. 

Jérôme Bonso qui travaille pour la structure Agir pour des élections transparentes et apaisées en RDC. Pour lui, rien ne devrait à ce stade entraver le bon déroulement des élections. Cependant, il soulève quelques préoccupations par rapport à la préparation et aux éventuels contentieux électoraux qui pourraient survenir.

 

Entretien avec Jérôme Bonso

 

DW : À trois semaines des élections, que vous pouvez nous dire de la situation sur le terrain, en RDC ?

Jérôme Bonso : Après l'évaluation et le suivi de la planification opérationnelle par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), nous sommes convaincus que l'avion électoral a pris maintenant sa vitesse de croisière et nous pensons que le 20 décembre, l'avion peut atterrir pour qu'on puisse organiser les élections.

 

Mais il y a un déficit financier. Est-ce que vous pensez vraiment que le calendrier électoral sera respecté ?

À travers le plan de décaissement opérationnel qui a été convenu entre la CENI et le gouvernement et au regard dudit plan de décaissement de fonds, je crois que les 320.000 dollars qui restent ne concernent pas uniquement les élections du 20 décembre. Cette somme concerne tout le cycle, selon la budgétisation de la CENI.

 

La campagne a démarré le 19 novembre dernier. Mais selon plusieurs sources sur place, la campagne reste timide dans les rues. À quoi est-ce dû selon vous ?

[Les candidtats] attendent tous les moyens financiers de la part de leurs autorités morales ou bien de leurs partis politiques. Jusque là, les robinets financiers sont encore fermés. Tout le monde est dans l'attente et dans l'inquiétude. Nous sommes à quelques jours de la fin de la campagne et jusque là rien n'est fait. Les électeurs ont du mal à se positionner parce qu'on ne peut pas voter pour une personne sans connaître son projet de société. Nous avons affaire à des candidats prestige, des candidats business, ou encore à des candidats figurants. On n'a pas réellement de candidats qui s'engagent pour défendre un projet de société.

Interview de M. Sama Lukonde, Premier ministre de RDC

 

Vous dites que les candidats attendent que leur autorité morale puisse "ouvrir les robinets"... de quels robinets parlez-vous ?

Ce sont les autorités morales qui détiennent l'argent et les moyens financiers. Il faut également souligner que ce sont les élections qui vont se passer avec un déficit d'éducation civique électorale. Comment faire voter une maman analphabète qui ne comprend pas pourquoi voter, comment voter pour, qui voter et quand voter ? Tout ça crée des problèmes.

 

Ce manque d'éducation civique et électorale, comment va-t-il se traduire concrètement dans les urnes selon vous ?

Nous avons des mamans et des papas qui n'ont même jamais vu un ordinateur, comment cette analphabète électorale va s'y prendre pour faire un choix en passant par cette technologie récente ? Les électeurs sont ignorants et leur vote sera utilisé par le candidat le plus malin.

 

Le manque d'éducation civique et électorale est un point crucial qui pourrait entraîner des tricheries dans le processus électoral selon vous ?

Tout à fait. Je vous donne un exemple, si je suis candidat, je vais profiter de l'analphabétisme des lecteurs. Je vais exploiter leur ignorance pour en tirer des voix et je pourrais contribuer à ce qu'ils ne soient ni éduqués ni bien formés : leur analphabétisme jouera en ma faveur.

 

Au niveau des programmes, avez-vous l'impression qu'il y a une adéquation entre ce que les candidats proposent et les attentes des populations ?

Les partis politiques devraient présenter ce qu'on appelle des offres politiques et la population devait présenter des demandes politiques. Ces dernières représentent l'ensemble des inquiétudes, des frustrations et des souffrances de la population. Nous avons élaboré des cahiers des charges pour les distribuer aux partis politiques. Malheureusement, à l'heure actuelle, les projets de société sont loin d'être une préoccupation pour nos hommes politiques.

 

Si, comme vous le dites, les projets de société sont loin d'être leur préoccupation, que présentent-ils à la population ?

Ils ont des projets de société virtuels. Quand on parle d'un projet de société, c'est qu'on est prêt à le mettre sur la place publique lors de débats contradictoires.

 

Les deux candidates à la présidentielle disent qu'elles veulent combattre les antivaleurs. Elles proposent de nettoyer la société congolaise de tous ses maux et ses vices. N'est-ce pas un projet à présenter aux populations ?

Oui, tout à fait. C'est ce qu'on soutient. Parmi les candidats, il y en a qui ont volé l'argent du Trésor public et qui attendent de pouvoir acheter des voix moyennant leur argent. Et c'est à travers l'éducation civique et électorale qu'on aurait pu conscientiser la population à ne pas accepter les dons des élus parce que c'est de la corruption.

Mais, le mécanisme qu'on avait demandé au pouvoir législatif pour intégrer dans les amendements que toute corruption, tout don d'un candidat lors des élections puisse être considéré comme une corruption n'a pas été pris en compte.

 

Qu'en est-il des procès-verbaux ? Est-ce que les arguments que la CENI a donnés à ce propos vous ont rassuré ?

La CENI dit qu'ils vont faire des photocopies de ces procès-verbaux, mais il y a des coins reculés où il n'y a pas même pas de photocopieuse ! La loi en matière électorale dit que celui qui conteste présente les preuves. Et quand vous contestez les résultats d'un autre, vous devez apporter des preuves. Les preuves résident dans les procès-verbaux des résultats. On va voir comment on va s'en sortir pour garantir la vérité des urnes.