Issaka Sawadogo : "Le cinéma africain ne se porte pas bien"
22 octobre 2021Dans cet entretien avec la DW, il évoque les problèmes fondamentaux du cinéma africain : amateurisme lié à une précarité des sources de financement ou encore déficit de véritables cadres d’éclosion sont autant de facteurs qui, selon lui, rendent le cinéma africain dépendant dans son contenu et ses perspectives.
DW : Comment se porte, à votre avis, le cinéma africain ?
Issaka Sawadogo : "Le cinéma africain ne se porte pas bien ; mais il n’est pas mal. Nous avons des problèmes fondamentaux de financement. Quelles que soit les idées que nous avons, quelle que soit la vision que nous voulons donner au cinéma africain, tant que nous n’aurons pas un système de financement, on ne pourra pas progresser.
Le second problème fondamental est lié à la formation en matière d’écriture de scenario. On a de très belles idées. Cela ne veut pas dire que l’Afrique n’a pas de talents. ; mais des professionnels dans le domaine que je viens de citer sont très peu. Pourtant un bon scenario fait que le film est réussi à 50%. Après le scenario, c’est un bon casting.
Mais il n’y a pas de véritables bureaux de casting et il n’y a pas d’instituts de formation réels pour les comédiens du cinéma. Je suis un produit de l’école de la rue, de la famille, du terrain. Ma propre curiosité m’a amené à aller m’informer, me renseigner, m’enseigner en m’approchant des gens ; à regarder ce que font les autres avec une autre vision et essayer de tendre vers le professionnalisme.
Je me suis attaché les services d’un agent en Europe, en Amérique et un peu partout pour pouvoir m’encadrer. Sans agent, un comédien ne sort pas de son pays. Voilà donc les trois problèmes fondamentaux du cinéma africain."
DW : Les fonds sont quasiment inexistants. Cela influe-t-il sur le contenu des productions ?
Issaka Sawadogo : "Le financement c’est en fait un mécanisme qui permet de faire un travail ; mais celui qui finance attend un retour sur tous les plans pour rentabiliser ce qu’il donne. Le créateur est donc obligé à faire des concessions sur la vision qu’il voulait donner à son film. Par contre, il y a des mécanismes de financement qui n’exigent rien au créateur.
Ce genre de financement sont rares. Nous n’avons pas encore réussi à créer des mécanismes inspirés du mécénat avec les financiers africains, les États, pour mettre en place des systèmes de financement pour un réel envol du cinéma africain.
Le fonds ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) a été levé en tenant compte d’un projet, d’une étude qui a été faite dans un domaine spécifique. Des intérêts se sont dégagés. Les financiers ont ensuite rencontré avec un business plan des bailleurs de fonds qui ont posé des conditions.
Le fonds ACP sert, par conséquent, à payer tout le travail administratif et les agents. Seulement 15 ou 20% de ce fonds vont réellement aller vers les artistes sous des conditions intenables. Le travail de l’artiste va payer tout le fonds. De nombreux cinéastes africains en avaient marre au point de ne plus vouloir de ce fonds. Ils font des autoproductions sans qualité mais le travail existe."