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L'Afrique, un continent jeune dirigé par des vieillards

Jean-Michel Bos
6 mars 2018

Alors que la moyenne d'âge de la population africaine est de 19 ans, celle des leaders politiques s'établit à 63 ans. A ceci s'ajoute la longévité des dirigeants qui s'accrochent au pouvoir.

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Nigeria Präsident Muhammadu Buhari und Paul Biya aus Kamerun
Image : DW/Abuja

L'Afrique est de loin le continent le plus jeune du monde. Selon les chiffres publiés par les Nations unies, l'Afrique est, avec une moyenne de 19 ans, deux fois plus jeune que les Etats-Unis (38 ans) et largement moins âgée qu'un continent vieillissant tel que l'Europe.

Pourtant, cette population jeune est dirigée par de vieux leaders qui les représentent mal. Ainsi, si l'âge moyen de la population africaine est de 19 ans, celle de ses leaders est de 63 ans, soit un écart de 44 ans !

Par comparaison, l'écart entre l'âge moyen de la population des pays membres de l'Union européenne (43 ans) et celle de ses dirigeants (53 ans) n'est que de dix ans.

Ce fossé entre les leaders politiques et les citoyens africains engendre un problème de représentation démocratique. "79% des Ougandais sont nés après que Museveni a pris le pouvoir en 1986", explique David E. Kiwuwa, professeur d'études internationales à l'université de Princeton, aux Etats-Unis, dans une tribune publiée en 2015 sur le site The Conversation.

David E. Kiwuwa s'interroge aussi sur l'avenir d'un continent où les "pères de la nation", les chefs d'Etat et de gouvernement, ne laissent pas la place aux jeunes et sacrifient les forces les plus dynamiques de leur pays au profit de leur intérêt.

"Dans les pays africains en général, le fossé entre l'âge des dirigeants et l'âge moyen de la population est important, plus important qu'ailleurs puisque la population est très jeune", explique Zachariah Mampilly, professeur d'études africaines de l'Université de Vasser aux États-Unis. 
"Mais il ne semble pas qu'il y ait de réelle volonté de transférer plus de responsabilités aux jeunes".

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131 ans de règne

Le résultat est que la majeure partie de la population africaine n'a jamais connu qu'un seul dirigeant et l'image de la démocratie se résume parfois à un régime en place depuis plusieurs décennies.

Au Cameroun, le présidentPaul Biya, 85 ans, est au pouvoir depuis 1982. Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, a pris les rênes de l'Algérie en 1999. En Guinée équatoriale,Teodoro Obiang Nguema, 75 ans, a chassé son oncle du pouvoir par un coup d'Etat militaire en 1979.

Souvent la vieillesse des dirigeants est couplée à une longue présence incontestée à la tête de l’Etat. Ainsi, les dix leaders africains les plus âgés cumulent à eux seuls 131 ans de règne politique souvent sans partage.

Face à eux, l'opposition s'enferme souvent dans des schémas identiques. En République démocratique du Congo, Etienne Tshisekedi, décédé en 2017, a fondé son parti en 1982. Celui-ci a servi comme Premier ministre à trois occasions durant les années 1990 et s'est plusieurs fois présenté comme candidat à l'élection présidentielle.

Au Cameroun, l'éternel rival de Paul Biya, John Fru Ndi, vient de se retirer de la course à la prochaine présidentielle après avoir tenté sa chance trois fois en 1992, 2004 et 2011. 

En Ouganda, un autre "éternel opposant", Kizza Besigye, a fait mieux encore en se présentant quatre fois sans succès – en 2001, 2006, 2011 et 2016 – comme candidat à la présidentielle face à l'indéboulonnable Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 32 ans. 

Pire encore, alors que Museveni était menacé par la limite d'âge de 75 ans pour être élu président, le chef d'Etat ougandais a fait modifier la Constitution et  repousser cette limite afin de pouvoir se présenter en 2021. Il aura alors 76 ans.

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La place aux jeunes

"L'Afrique n'a pas besoin de leaders qui ont 75 ou 65 ans. Nous avons besoin de leaders qui sont jeunes, vifs, innovants et à qui la jeunesse de ce continent peut se référer", a déclaré Graça Machel, la veuve de Nelson Mandela,dans un discours vibrant prononcé le 25 février dernier à Johannesbourg, en Afrique du Sud.

"Nos jeunes leaders ont besoin de se lever et d'être pris en considération. Ils ont besoin d'adopter le savoir de leurs aînés, de se hisser sur leurs épaules et de soulever le défi du pouvoir", a ajouté Graça Machel.

Sur un continent aussi jeune que l'Afrique, où la part des moins de 24 ans représente 63% de la population, selon les chiffres des Nations unies - la Banque Mondiale avançant aussi un chiffre de 77% pour les moins de 35 ans - il est étonnant de voir à quel point les vieux dirigeants refusent de céder leur fauteuil. 

"Dans la plus grande partie du monde, les pays accueillent "l'innovation de la jeunesse, son énergie, sa vivacité, son adaptabilité, sa volonté d'adopter les changements et son enthousiasme pour apprendre", ajoute David E. Kiwuwa. "L'Afrique à l'inverse traîne derrière, incapable de garder le rythme grâce à ses dirigeants conservateurs et âgés."

DW Mitarbeiterporträt Jean-Michel Bos
Jean-Michel Bos Journaliste au programme francophone de la DW.JMBos