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Des habitants de Kidal doutent de l'existence d'un charnier

20 novembre 2023

L'armée malienne affirme avoir découvert une fosse commune à Kidal. Certains habitants de la région doutent de la véracité de cette information.

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Ecusson sur la poitrine de l'uniforme d'un soldat des FAMa (illustration)
L'armée malienne dit avoir découvert un charnier à Kidal. Les groupes touaregs l'accusent d'exactions avec l'aide du groupe Wagner dans le nord du MaliImage : Hans Lucas/IMAGO

L'information est arrivée dans les rédactions dimanche matin [19.11.23] sous la forme d'une dépêche au titre laconique : "L'armée malienne affirme avoir découvert ‘un charnier' à Kidal", dans le nord du Mali.

En fait, c'est par un tweet que les forces armées maliennes ont annoncé leur découverte macabre du jeudi 16 novembre. Et depuis, il est difficile d'obtenir des informations tant le sujet est délicat.

Des soldats des forces armées maliennes (FAMa) auraient trouvé une fosse commune "lors de leurs opérations de sécurisation" de Kidal, ville qu'ils ont reprise le 14 novembre aux rebelles touaregs. Dans leur tweet, les FAMa imputent ce charnier à des "terroristes", sans plus de détails.

Selon le vice-président de la Commission nationale de défense du CNT, Le Conseil national de transition, qui fait office d'assemblée, les "enquêtes sont en cours" et les pouvoirs publics communiqueront au « moment opportun ». Nous ne sommes pas parvenus à joindre l'état-major.

Un charnier sans preuve encore

Attaye Ag Mohamed, le chef de la délégation de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) au comité de suivi de l'accord de paix d'Alger de 2015, qualifie dès à présent ce présumé charnier de "farce".

Un représentant de la société civile de Kidal confirme, sous couvert d'anonymat, qu'il a bien entendu parler de l'annonce de l'armée malienne, mais il doute de sa véracité.

"Je n'ai pas connaissance de charnier à Kidal, je n'ai jamais entendu qu'il y en avait. Et même, ce charnier, il appartient à qui ? C'est ça la question : qui est mort ? Qui a payé [les auteurs de ce présumé massacre] ? Pourquoi ? Quand on dit des choses, il faut que ce soit fondé. Quand on parle de charnier découvert comme ça, c'est trop vague. C'est de la communication […] ça n'existe pas."

Groupes armés touaregs et groupes terroristes

Aly Tounkara, directeur exécutif du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S), est moins catégorique. Il rappelle les liens entre certains mouvements armés du nord du Mali et des groupes terroristes.

"Il est important de ne pas occulter que les mouvements armés sont sévèrement traversés par des groupes radicaux violents avec le référentiel musulman, notamment les hommes de lyad Ag Ghali. Donc vouloir à tout bout de champ mettre [les violences] au compte de l'armée régulière, ce serait un raccourci analytique."

Mais d'après le chercheur, quels que soient les résultats de l'enquête ouverte, ils seront contestés par le camp mis en cause qui rejettera la responsabilité de ces violences sur le camp d'en face.

"Panique généralisée", "maisons pillées"... par Wagner ?

Alors que les autorités de Bamako appellent les déplacés à revenir vivre dans la région de Kidal, les rebelles touaregs du Cadre stratégique et permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) dénoncent des exactions commises contre des civils dans le nord-ouest du pays, par le groupe paramilitaire russe Wagner, allié des FAMa. 

Voici le témoignage d'un habitant de Kidal qui a pu fuir à Gao avant la reprise de la ville par les forces armées maliennes. Il parle  de violences commises par les mercenaires russes de Wagner et témoigne ici sous couvert d'anonymat : 

"Il y a une panique généralisée au sein de la ville, des maisons pillées. On assiste à une forme de chasse à l'Homme où personne n'est épargné et il n'y a pas de force qui puisse intercéder en faveur de la population.

En général, on ne voit que les éléments armés russes de Wagner et ils interdisent même parfois aux gens d'aller fermer la porte de leurs voisins quand leurs maisons ont été pillées. Alors tout le monde finit par se terrer chez lui. Pour le moment, personne ne sort de la ville. Ceux qui n'ont pas eu la chance de fuir avant la reprise de la ville [par l'armée malienne] restent chez eux et ont parfois du mal à se nourrir. On assiste à une sorte de no man's land. On attend que ça puisse passer."

En 2022, déjà, l'armée française avait démenti, images de drones à l'appui, les accusations de massacre près de la  base de Gossi, dans le nord. Les forces armées françaises avaient alors dénoncé une mise en scène des combattants du groupe Wagner.