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Les Maliens du Nord espèrent des négociations

Sandrine Blanchard | Mahamadou Kane
5 octobre 2023

Dans le nord du Mali, la tension monte entre les militaires et les groupes armés touaregs. Un convoi des FaMa est en route vers Kidal, tandis que les groupes djihadistes reprennent aussi de l'activité.

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Deux femmes de dos et des véhicules militaires sous un drapeau malien, dans une rue de Kidal. Photo prise lors d'une visite du comité de suivi du processus d'Alger, en 2021
Le quotidien est relativement normal à Kidal et Gao, mais les habitants espèrent une fin négociée des violences récurrentesImage : UNJU Mission in Mali

Dans le nord du Mali, la tension monte entre les militaires et les groupes armés touaregs qui ont lancé au mois d'août une offensive contre les positions des FaMa. Alors, en début de semaine, l'armée a décidé de contre-attaquer et d'envoyer des soldats dans la région de Kidal.

Par ailleurs, les groupes djihadistes profitent de la situation pour renforcer leur pouvoir et ont annoncé des blocus sur certaines localités du Nord. Dans cette guerre de communiqués, difficile de connaître les conditions de vie réelles des Maliens du Nord

Des combats pour reprendre les camps de la Minusma

Depuis la reprise du camp de Ber par l'armée malienne, dans la région de Tombouctou, à la mi-août, les combats se sont intensifiés dans le nord et le centre du Mali. Ils opposent les soldats de l'armée régulière et les groupes armés signataires des accords d'Alger.

Parti en début de semaine de Gao, un convoi de l'armée progresse en direction de Kidal. Les FaMa et leurs alliés russes veulent récupérer tous les camps militaires laissés vacants par la Minusma, sur l'ensemble du territoire, comme l'a fait savoir le colonel major Souleymane Dembele, directeur de la Dirpa, la direction de l'information et des relations publiques des armées :

Des combattants de la CMA à l'arrière d'un pick-up à Kidal (archive d'août 2022)
Les groupes armés touaregs du Nord-Mali estiment que le gouvernement n'a pas appliqué les accords d'AlgerImage : SOULEYMANE AG ANARA/AFP/Getty Images

"Il est clair que tous les camps occupés par les forces onusiennes sur le départ reviennent de fait aux forces armées maliennes. Comme ça a été le cas à Ogossagou, à Goundam, ou encore à Ber. Ce sont nos forces qui vont occuper ces camps, que ce soit à Kidal ou ailleurs."

Mais les anciens rebelles du CSP (Cadre stratégique permanent) à Kidal ne l'entendent pas de cette oreille. Ils reprochent au gouvernement de ne pas avoir appliqué les accords de paix d'Alger de 2015 et ne lui font plus confiance.

Normalité fragile à Kidal

Dans la ville, la population continue pourtant de vivre à peu près comme avant. Toua Ag, président de la Fédération régionale des associations de santé communautaires de Kidal, affirme que "tout se passe normalement".

"Les gens ouvrent leurs boutiques, témoigne-t-il, il y a eu la rentrée, l'autre jour, des écoles, les centres de santé fonctionnent... la vie est normale à Kidal. Bien sûr, il y a des craintes mais la population est là, elle fait confiance en ses combattants. - Vous voulez dire les FaMa? Non, pas les FaMa, le CSP-PSD."

Le CSP-PSD, c'est le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement, le mouvement touareg qui a revendiqué l'attaque du camp militaire de Bourem en septembre.

Mali | Un soldat de profil devant un mur, armé d'un Ak-47 (archive)
Les FaMa comptent bien reconquérir l'ensemble du territoire nationalImage : JOEL SAGET/AFP/Getty Images

Toua Ag reconnaît toutefois que les routes hors de la ville sont "quasiment impraticables" à cause de combats qui ont lieu à quelques kilomètres de là. Et que, je cite, "les paisibles citoyens" souhaitent voir "une solution définitive" apportée aux violences récurrentes dans la région, qui ont provoqué un afflux de déplacés venus de Gao et de Menaka et une crise humanitaire.

"La force n'est jamais une solution pour la paix. On revient toujours à la table des négociations", déclare Toua Ag.

A Gao, la population est calme

Un peu plus au sud, à Gao-ville, où le journaliste Kader Touré se trouve, aucun incident majeur n'a été signalé depuis le crash d'un avion au mois de septembre. Le journaliste est au courant d'"actes de sabotages" et d'"attaques sur les positions des forces armées" dans les garnisons militaires de la région, surtout dans le cercle de Bourem, mais il témoigne du calme de la population en centre-ville.

Quant au blocus sur l'entrée de carburants annoncé par les djihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, sur Gao et Tombouctou, Kader Touré l'a appris sur les réseaux sociaux.

Interview de Kader Touré (journaliste à Gao)

"Dans les faits, à Gao, on continue de consommer les réserves. On ne sait pas ce qui va se passer dans les jours à venir".

Le journaliste se demande si "les seules forces armées du Mali" peuvent faire face à tant de fronts à la fois : "Faire face à l'Etat islamique, au JNIM (lié à al-Qaïda), et encore ouvrir un autre chantier contre le CSP, c'est compliqué. Sans oublier la pression de la communauté internationale, le défi économique. Et les élections qui pointent à l'horizon… c'est un peu trop volumineux pour le seul Etat du Mali."

Alors des négociations de paix, Kader Touré, les espère aussi. Pourquoi pas sous l'égide des Nations unies ?