Mali: la rage au ventre
30 mars 2012Concernant le Mali, les journaux se contentent surtout de relater les événements au jour le jour, mais ajoutent parfois une pointe d'analyse.Exemple la Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui voit dans la promulgation d'une nouvelle constitution la volonté de la junte de placer le pays devant un fait accompli. Mais les appels des putschistes à la coopération de la classe politique sont restés lettre morte. die tageszeitung note que les pro-putschistes battent le rappel de leurs partisans. Le journal évoque la rage d'un manifestant qui accourt à chaque fois qu'il aperçoit un micro et une caméra . Cela se passe en plein coeur de Bamako, et le manifestant en question pourrait hurler pendant des heures sa colère contre l'ancien régime. Mais les autres manifestants regroupés autour de lui ne le laissent pas parler. Chacun veut déverser sa haine sur le président déchu, souligne le journal.
Un coup d'Etat par inadvertance?
Un hebdomadaire, Die Zeit, pose une question: quel rapport entre la mort de Kadhafi et le coup d'Etat au Mali? Après la chute de Kadhafi, rappelle le journal, les mercenaires touaregs à son service sont rentrés dans les pays du Sahel, avec d'énormes quantités d'armes. Ils ont créé dans le nord du Mali un nouveau mouvement de rébellion qui contrôle de larges territoires. C'est précisément la raison pour laquelle le capitaine Sanogo et ses soldats sont montés sur les barricades: ils ne veulent pas être sacrifiés dans un conflit qu'ils ne peuvent gagner et que le président Amadou Toumani Touré aurait dû régler politiquement. A long terme, souligne le journal, c'est un important facteur de crise qui a disparu en Afrique avec la chute et la mort de Kadhafi. A court et moyen terme sa disparition a des répercussions bien au-delà de la Libye. Mais les mercenaires rentrés chez eux n'ont pas provoqué la crise malienne, ils l'ont seulement accélérée.
Die Zeit relève aussi qu'Amadou Sanogo, capitaine donc de l'armée malienne, est sans doute le premier putschiste dans l'histoire des coups d'Etat militaires, qui ne voulait pas renverser le président en exercice. A en croire les récits en provenance de Bamako, écrit die Zeit, c'est plus par inadvertance que des soldats mutins se sont retrouvés devant le palais présidentiel et ont mis fin à une démocratie que les occidentaux ont toujours encensée.
Alternance au Sénégal
Au Sénégal le pouvoir change de main. Macky Sall, 50 ans, a remporté le second tour de la présidentielle. Ce changement de pouvoir pacifique est salué par la presse allemande. La Frankfurter Allgemeine Zeitung rappelle que jamais encore, il est vrai, le Sénégal n'a connu un changement de pouvoir par la violence. Cette fois-ci, note la Berliner Zeitung, un furieux conflit s'est pourtant esquissé à propos du maintien au pouvoir du président sortant Abdoulaye Wade. Mais ce dernier, souligne le journal, a réagi avec panache à sa défaite: il a félicité son challenger et ancien premier ministre. L'Histoire se répète: il y a douze ans, le président de l'époque, Abdou Diouf, avait téléphoné à Wade pour le féliciter de sa victoire. Pour die tageszeitung la défaite de Wade ne signifie pas nécessairement un changement de cap politique. Les défis du Sénégal sont ceux de toute l'Afrique, à savoir donner un avenir aux jeunes. Lorsqu'un président de 85 ans s'accroche au pouvoir au lieu de céder la place à une nouvelle génération, sa chute est inévitable. Mais son successeur sera confronté aux mêmes problèmes. Dans l'immédiat cependant, le Sénégal confirme une tendance positive: le changement par les urnes est possible en Afrique de l'ouest - possible en Guinée, au Niger, en Côte d'Ivoire après un intermède sanglant, et maintenant au Sénégal. Dommage qu'au Mali, où cela aurait pu se produire avec l'élection présidentielle prévue fin avril, le coup d'Etat de quelques militaires empêche un tel changement de pouvoir.
Dans un autre article que celui cité précédemment, la Frankfurter Allgemeine Zeitung brosse un portrait du vainqueur, Macky Sall donc, lequel a réussi un exploit selon le journal: jamais encore au Sénégal un politicien n'avait réussi à accèder à la magistrature suprême dès sa première candidature. Cela est d'autant plus étonnant que le timide Macky Sall n'est ni un brillant orateur ni un populiste.
Combats au Soudan et en Libye
Dans le reste de l'actualité africaine la presse se fait l'écho des affrontements au Soudan et en Libye. Le Soudan et le Soudan du sud sont au bord de la guerre, lit-on dans die Tageszeitung, une guerre pour les champs de pétrole. Les combats des derniers jours se sont déroulés dans la principale région pétrolière des deux pays. La confrontation militaire réduit à néant les efforts de la communauté internationale en vue de rapprocher les deux Etats soudanais. La Süddeutsche Zeitung relève de son côté que les combats entre tribus rivales dans le sud de la Libye ont fait des dizaines de morts. Ils opposent des Toubous, qui sont noirs, à des tribus arabes. Les Toubous, note le journal, sont accusés d'être impliqués dans le trafic de réfugiés africains. Eux-mêmes se plaignent, depuis l'époque de Kadhafi, d'être discriminés et reprochent aux tribus arabes de vouloir pratiquer des "épurations ethniques."
Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Georges-Ibrahim Tounkara