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''Les libertés fondamentales semblent vraiment à la dérive''

Blaise Dariustone
4 novembre 2020

Maître Max Loalngar, le président de la Ligue tchadienne des droits de l'homme, vit dans la clandestinité depuis l'annonce de l'organisation d'un forum citoyen par une coalition de la société civile et de l'opposition.

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Max LoaIngar ,président de la Ligue tchadienne des droits de l'homme (LTDH)
Max LoaIngar ,président de la Ligue tchadienne des droits de l'homme (LTDH)Image : Blaise Dariustone/DW

Depuis bientôt une semaine, la police encercle plusieurs sièges de partis d'oppositions, d’associations de la société civile et des domiciles de certains leaders d'opposition. Une situation qui fait suite à l'annonce de l'organisation d’un forum citoyen par une coalition de la société civile et de l’opposition. Les initiateurs de ce forum citoyen avaient boycotté le forum national organisé la semaine dernière par le gouvernement en vue des réformes institutionnelles.

Maître Max Loalngar s'inquiète de ce qu'il qualifie de recul véritable de la démocratie au Tchad.

"Nous ne saurions nous satisfaire d'une situation de la pensée unique" : écoutez l'interview dans son intégralité

DW : Depuis quelques jours, les sièges des partis d'opposition, des organisations de la société civile et même les domiciles de certains leaders d'opposition sont pris en otage par la police anti-émeute. Quelle est votre réaction en tant que défenseur des droits humains face à cette situation ?

LoaIngar : Il s'agit d'une tension artificiellement créée par le gouvernement. Cet état de fait ne grandit pas l'état de notre démocratie. Au contraire, il constitue un déni des libertés fondamentales pour lesquelles ce pays a quand même beaucoup donné. Il est inadmissible que dans un pays qui se dit démocratique, les associations ne puissent pas se réunir librement, même dans leurs locaux, et que les partis politiques ne puissent même pas appeler leurs militants à travers des meetings. C'est une situation qui ne s'explique pas. C'est un recul véritable de la démocratie.

DW : Cette situation intervient suite à l'annonce d'un forum citoyen que compte organiser une coalition des organisations de la société civile et de l'opposition. Vous êtes même l'un des porte-paroles. Parlez-nous un peu de ce forum citoyen.

LoaIngar : C'est simplement le rendez-vous de la citoyenneté pour débattre des vrais problèmes auxquels font face nos populations afin de nous envoyer à nous-mêmes des résolutions de nature à remobiliser les citoyens dans un pays où les libertés fondamentales semblent vraiment à la dérive.

DW : Peut-être que le gouvernement a peur qu'à l'issue de ce forum citoyen, la société civile et l'opposition appelle à des manifestations ou à un soulèvement.

LoaIngar : Nous ne saurions nous satisfaire d'une situation de la pensée unique. Le gouvernement organise un forum et je crois qu'ils ont pu débattre en toute liberté pendant trois jours. On ne comprend pas pourquoi. Est-ce que si d'autres citoyens veulent se réunir et réfléchir, pourquoi devrait-on les en empêcher ? Ça ne se justifie pas. La démocratie, c'est aussi l'acceptation de la contradiction sans aucune contradiction. Il n'est pas possible de construire quoi que ce soit.

DW : L'un des opposants dans son domicile est encerclé depuis jeudi. Je voudrais parler des succès Massera du parti Les Transformateurs, à appeler les Tchadiens à la résistance face aux agissements du pouvoir. Quel est votre avis par rapport à cet appel à la désobéissance civile ?

LoaIngar :  Je crois que c'est la Déclaration des droits de l'homme qui dispose de ces articles. Quand l'arbitraire prend le pas sur la démocratie, la résistance devient le plus sacré des droits. C'est des instruments que nous avons ratifiés. Je n'ose même pas parler du préambule de notre Constitution, mais cet appel-là, je l'apprécie comme une exigence de respect des droits humains, comme une exigence de retour aux standards de la démocratie. J'y adhère entièrement. Nous ne pouvons pas accepter que les libertés les plus élémentaires ne soient votées. Nous allons remobiliser nos militants pour que des manifestations soient organisées dans le simple but d'obtenir le rétablissement de ces espaces de liberté qui ont été restreints depuis plus de deux ans.

DW : Vous parlez tout à l'heure du deuxième Forum national inclusif, dont les travaux se sont achevés dimanche dernier. La Ligue canadienne des droits de l'homme, votre organisation, est l'une des organisations qui a boycotté ces assises. Vous auriez pu y participer pour espérer imposer vos propositions.

loaIngar : Par exemple, nous nous disions que nous ne voulons pas faire de la figuration et nous avions eu raison de le dire parce que même ceux qui ont participé à ce forum l'ont dit très clairement. Il était noyauté par les membres du MPS à qui la parole était donnée indéfiniment. Pendant que certains étaient privés de parole. 

DW : Parmi les grandes décisions issues de ce deuxième forum national, il y a la création du poste de vice-président du Sénat ou encore de l'âge pour être candidat à la présidentielle. Quelle est votre réaction par rapport à ces conclusions ?

LoaIngar : Cette situation renferme un piège dans lequel nous risquons de nous retrouver enfermés tant qu'on ne vous dit pas clairement quels sont les modes de désignation de ces vice-présidents. Par exemple, on pourrait comprendre que le président de la République est un membre du parti au pouvoir et que, par exemple, le vice-président soit nommé ou élu dans les rangs de l'opposition. Si c'est comme ça, ça pourrait rassurer. Les rumeurs sont tenaces. Il s'agit ici d'une vice-présidence qui serait dévolue aux proches du président de manière à perpétuer son règne. Dans ce cas, nous tombons bien évidemment dans une monarchie héréditaire et cela constituerait un recul terrible de la démocratie.

DW : Le constat montre clairement que le climat politique national est délétère au Tchad. Ne faudrait-il pas que les acteurs sociaux et politiques se parlent sincèrement avant la tenue, en avril 2020, de la présidentielle qui sera suivie des législatives ?

Bien évidemment, le dialogue reste la seule source d'apaisement. Malheureusement, en face, personne n'en veut. En lieu et place de ce forum qui vient de s'achever, on aurait pu organiser un dialogue véritablement inclusif, intégrant tant les activistes de la scène nationale que ceux de la diaspora et même les politico militaires, de manière qu'on puisse trouver le remède aux maux qui minent ce pays.

Blaise Dariustone Correspondant au Tchad pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais