Mory Kanté nous a quittés
22 mai 2020"Yéké, Yéké", ce sont des mots qu'on chante en Guinée pour exprimer de la joie et l'amour. Et c'est avec ces mots que le griot Mory Kanté est allé conquérir la planète en 1988 pour devenir un ambassadeur de la musique africaine dans le monde, au même titre que Manu Dibango, Salif Keita ou encore Papa Wemba.
Ce vendredi 22 mai, c'est son fils Balla Kanté qui confirme la triste nouvelle. Mory Kanté s'est éteint ce matin à l'hôpital sino-guinéen.
"Il souffrait de maladies chroniques et voyageait souvent en France pour des soins, mais avec le coronavirus ce n'était plus possible. On a vu son état se dégrader rapidement, mais j'étais surpris quand même car il avait déjà traversé des moments bien pires".
De griot à "griot électrique"
Mory Kanté voit le jour en 1950 à Albadaria dans le sud de la Guinée. Il est rapidement initié aux traditions et à la musique par son père, El Hadj Djeli Fodé Kanté, lui-même déjà un griot réputé.
A l'âge de sept ans, il est envoyé chez sa tante à Bamako au Mali qui va lui enseigner le chant et le balafon.
Dans les années 60, Mory Kanté, brièvement étudiant à l'Institut des Arts de Bamako, se met à la guitare, puis à la kora, l'instrument qui va colorer le son de ses futurs plus grands succès.
Le Mali d'alors est conquis par la toute nouvelle rumba zaïroise, la salsa cubaine et la pop anglo-saxonne.
Dans le même groupe que Salif Keita
En 1971, Mory Kanté rejoint le Rail Band, l'orchestre du buffet de la gare à Bamako. Le chanteur principal du groupe n'est autre qu'un certain Salif Keita, que Kanté va finir par remplacer au micro.
A la fin des années 70, Mory Kanté poursuit sa route et s'installe en Côte d'Ivoire, pour notamment profiter de la qualité des studios d'enregistrement à Abidjan.
C'est là que naît son premier album, Courougnègnè, qui va immédiatement propulser Mory Kanté vers une reconnaissance à l'échelle du continent.
Au milieu des années 80, il quitte l'Afrique et pose ses valises à Paris, au moment même où émerge la notion de World Music.
Le public raffole alors de ces mélanges de musique traditionnelle et occidentale.
"Yéké, Yéké"
Mory Kanté commence à tourner dans toute l'Europe. En 1985, le Guinéen travaille avec un ancien musicien de Bruce Springsteen pour réaliser son album 10 Cola Nuts, où la kora, les synthétiseurs et les cuivres vont devenir la marque de fabrique de l'artiste.
Puis arrive le déclic, l'album Akwaba Beach, enregistré en 1987. Mory Kanté reprend alors et dépoussière une chanson qu'il avait déjà écrite et composée pour un autre de ses disques lors de ses débuts à Paris.
Ce titre, c’est "Yéké Yéké". La nouvelle version, qualifiée de funk mandingue, propulse le griot guinéen à la tête des Hits parades à travers le monde. "Yéké Yéké" se vendra à plusieurs millions d'exemplaires.
Au début des années 90, Mory Kanté est au sommet. Il travaille avec le guitariste Carlos Santana, donne un concert à Central Park et profite de sa notoriété pour s'investir dans les causes humanitaires auprès de l'ONU.
Son 11ème et dernier album, La Guinéenne, sort en 2012. Il est décrit ainsi sur la page de l'artiste : "C'est une chanson d'amour pour l'Afrique et la Guinée et un trésor de conseils sur la confiance, le labeur, la gratitude et l'importance de maintenir les traditions face à la modernité".