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Au Nord-Kivu, "on observe un repositionnement du M23" (KST)

Paul Lorgerie
5 octobre 2023

Alors que la ligne de front s'était stabilisée dans les zones occupées par le M23, un regain de tensions a été constaté dans la région il y a plus d'une semaine.

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Des soldats des forces armées de la République démocratique du Congo dans le Masisi, territoire de la province du Nord-Kivu où des combats ont récemment été enregistrés.
Si les FARDC ne se disent pas impliqués dans les combats, de nouvelles tensions ont été enregistrées dans différentes zones de la province du Nord-Kivu.Image : Alain Uaykani/Xinhuaa/picture alliance

De violents combats ont repris dans la province du Nord-Kivu, opposant principalement les différents groupes armés fidèles à Kinshasa, réunis sous la bannière des "Wazalendo" (Patriote en Swahili) et les éléments du Mouvement du 23-Mars (M23).

Henry-Pacifique Mayala est coordinateur du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST) dans l’est de la République démocratique du Congo. S’il ne note pas une augmentation des incidents sécuritaires depuis le début de ce nouveau pic de tensions, il observe un repositionnement des acteurs ainsi que l’installation d’une administration parallèle dans certaines zones contrôlées par le M23.  

L'interview de Henry-Pacifique Mayala

Retranscription de l'interview

DW : Quelle est la situation autour de Goma ? Avez-vous constaté que, soit les FARDC, soit le M23, a réalisé une avancée sur le terrain en rompant ainsi les accords passés à Bujumbura en février 2023 ? 

Henry-Pacifique Mayala : Depuis près d’une semaine, on observe une nette montée de la tension dans les zones sous influence du conflit lié au M23.

Repositionnement, oui. Reprendre du terrain, pas vraiment. J’estime que Kibirizi, Kishishe, Bambo, étaient des villages sous le contrôle du M23 avant l’arrivée de la force de l’EAC. Des villages qui sont actuellement sous le contrôle des FARDC. Donc, en lieu et place de reprendre du terrain, il y a eu un repositionnement.  

Cela est dû, ou se justifierait par le fait que, en prélude de la visite du nouveau gouverneur militaire ad interim, le général Cirimwami, il y a eu un redéploiement des FARDC pour élargir la zone de sécurité. Nous avons observé cela le 18 septembre, alors que la visite du général était le 20 septembre. C’est donc plutôt ce mouvement de troupes qui a occasionné un repositionnement du M23.  

Des personnes qui ont fui les combats entre le M23, l'armée et les groupes armés sur le site de déplacés de Kanyaruchinya en décembre 2022.
Depuis le début des combats à la fin de l'année 2021, des centaines de milliers de personnes se sont réfugiées autour de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, afin d'échapper aux combats.Image : Guerchom Ndebo/AFP

DW : Et où se sont donc repositionnés les acteurs ?  

Henry-Pacifique Mayala : La situation n'est pas très éloignée de Goma. Le Mont Nyondo, où ils se trouvent actuellement, se trouve à l’est de la route nationale 2. Et le Mont Kanyamahoro, où ils ont été contraints d’évacuer par les forces de l’EAC, fait sur lequel les FARDC ont communiqué, se trouve à un kilomètre de l’autre côté de la route. Donc, tout cela se situe dans la zone de Kibumba, à une dizaine de kilomètres de Goma.  

DW : On sait que le M23 occupe certaines zones du Nord-Kivu, comment se traduit cette occupation ?  

Henry-Pacifique Mayala : Depuis près de deux ans ou plus, en tout cas depuis que Bunagana est passée sous contrôle du M23, les frontières n’ont pas été fermées. Il y a une administration parallèle qui a été mise en place. Les forces de sécurité du M23 établissent un certain ordre dans les contrées sous leur contrôle. Nous avons même suivi, début septembre, que le M23 appelait, ou ordonnait, aux établissements scolaires d’ouvrir leurs portes. Donc, partant de la collecte des taxes jusqu’à l’organisation de l’année scolaire pour les enfants, il s’agit bien d’une administration parallèle.  

Des soldats ougandais au poste frontière de Bunagana, entre la RDC et l'Ouganda.
Depuis quelques jours, des acteurs de la société civile ainsi qu'un député provincial ont alerté sur le déplacement de bornes frontières par l'Ouganda, proche du poste frontière de Bunagana, aujourd'hui occupé par le M23.Image : Glody Murhabazi/AFP/Getty Images

DW : Et quid de ces rumeurs d’occupation d’un groupement par l’Ouganda ? 

Henry-Pacifique Mayala : Oui. Je ne parlerai pas de rumeur. Il faut réinscrire ces faits dans leur contexte. Les zones problématiques, s’il faut citer des localités telle que Mungo, proche du district de Kisoro, côté Ougandais, ce sont des contrées congolaises qui ont toujours commercé avec les districts côté Ougandais.

Et les investisseurs ougandais ou encore entrepreneurs agricoles traversaient toujours pour s’approvisionner en produits maraichers et agricoles, notamment l’oignon et le sorgho. D’autres sont allés jusqu’à la location ou l’acquisition de terres agricoles. Il a donc été constaté que, même avant la résurgence du M23, il y avait une montée de la criminalité et ces Ougandais ont fait appel aux UPDF [armée ougandaise – NDLR) pour assurer la protection de leurs intérêts.  

Certes, c’est alarmant avec la nouvelle donne qui se développe dans ces contrées. Déjà qu’avec l’absence de l’Etat, c’était un commerce qui n’était pas régulé. Et surtout aujourd’hui, avec la venue d’un acteur qui n’est pas légitime. Cela est aussi alarmant que les Ougandais qui ont acheté la terre commencent à construire, notamment avec l’import de matériaux de construction de l’Ouganda. Mais la situation n’est pas nouvelle.