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"Nous avons besoin du président Idriss Déby"

Blaise Dariustone
26 août 2020

Après 30 ans à la tête du Tchad, le président sortant peut encore diriger le pays. C’est ce que souhaite Jean-Bernard Padaré, le porte-parole du parti au pouvoir. Il revient aussi sur l’âge minimum pour être candidat au scrutin présidentiel au Tchad, fixé à 45 ans, en réponse à l’opposant Succès Masra.

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Nous allons au Tchad cette semaine pour notre interview hebdomadaire et pour évoquer une fois de plus la question de la limitation de l’âge pour être candidat à l’élection présidentielle. La limite minimum est fixée à 45 ans dans ce pays. Mercredi (12.08.20), le jeune opposant Succès Masra, président du parti ''Les Transformateurs’’, qui est âgé de 37 ans, avait qualifié sur nos ondes cette disposition de discriminatoire et d’anti-démocratique.

Aujourd’hui et en réponse, nous recevons Jean-Bernard Padaré, le porte-parole du parti au pouvoir, le Mouvement patriotique du salut (MPS). Et pour l’ancien ministre de la justice, cette question de la limitation de l'âge est un débat de mauvaise foi. Il affirme aussi que la succession du président Idriss Déby ne se pose pas. Entretien…

 

 

 

DW: Jean-Bernard Padaré, bonjour.

Jean-Bernard Padaré : Bonjour.

 

DW: Depuis quelques semaines, l'opinion en milieu jeune est de plus en plus critique par rapport à la limitation de l'âge à la présidentielle à 45 ans au Tchad, notamment l'opposant Succès Masra, qui estime qu'il y a une volonté manifeste du pouvoir MPS d'écarter les jeunes de la possibilité de diriger le pays. Quelle est votre réaction ?

Jean-Bernard Padaré : J'ai l'impression que ces jeunes-là n'étaient pas au Tchad quand il y avait eu la tenue du forum national inclusif. Je crois savoir que les jeunes y étaient représentés et il y avait une résolution du forum national inclusif qui disait pour devenir président, il faut avoir au minimum 45 ans. Le président de la République, qui est chargé de traduire dans les actes juridiques ces résolutions, n'a pas eu d'autre choix que de saisir l'Assemblée nationale. On a intégré cette résolution-là dans le projet de la Constitution de la IVe République. Cette Constitution a été adoptée par l'Assemblée nationale et promulguée le 4 mai 2018. Et s'agissant spécifiquement de son cas, monsieur Masra a déposé son dossier au ministère de l'administration du territoire le 14 novembre 2018. Le ministère de l'administration du territoire, en date du 23 avril 2019, lui signifie, dans son rejet, par une note, qu'il y a trois membres de l'équipe dirigeante du parti qui n'ont pas atteint l'âge de 30 ans révolus par rapport à la charte des partis politiques. C'était le motif du rejet. Malgré cela, monsieur Succès Masra a, le 15 mai 2019, déclaré qu'à compter de cette date-là, son parti est déjà de facto régularisé. Succès Masra aurait pu saisir la justice. Il n’a pas voulu le faire, il préfère évoluer dans ce flou pour se victimiser. Moi, je dis que c’est de la mauvaise foi.

 

Selon Jean-Bernard Padaré, le parti de l’opposant Succès Masra n’est pas en règl
Selon Jean-Bernard Padaré, le parti de l’opposant Succès Masra n’est pas en règleImage : Beyanan Barthélémy für die Les Transformateurs

DW : Vous dites que la limitation de l’âge à la présidentielle a été discuté au cours d’un forum. Ce forum n’a réuni que 800 participants sur 15 millions de Tchadiens, de surcroît boycotté par les principaux partis d’opposition, mais aussi des associations de la société civile. Est-ce que vous ne trouvez pas normal que certains de vos compatriotes, qui ne sont pas d’accord avec les conclusions de ce forum, s’opposent à certaines dispositions de cette Constitution ?

Jean-Bernard Padaré : Il y a eu des citoyens qui représentaient les différentes couches, toutes les sensibilités étaient représentées. Le débat était démocratique, libre, chacun a pu exprimer. Les gens ont procédé au vote et c’est comme cela que les résolutions ont été adoptées. Quand vous me dites qu’il y a une partie de l’opposition qui avait boycotté, oui. Mais après, vous n’avez pas suivi ce qu’ils ont eu à dire. Celui à qui vous faites allusion, qui était chef de file de l’opposition, a dit, puisque les actes étaient par l’Assemblée nationale, entériner. Donc, il reconnaît, c’est clair et net, le forum. Tout le monde y a adhéré.  

 

DW : Un peu partout en Afrique, la tendance aujourd’hui est au rajeunissement de la classe politique. Pourquoi ne pas revoir à la baisse l’âge pour briguer la magistrature suprême à 35 ans par exemple, pour permettre aux jeunes, qui représentent aujourd’hui 80% de la population tchadienne, d’être candidats ?

Jean-Bernard Padaré : Il n’y a pas plus de rajeunissement en Afrique, comme vous dites, et même dans le monde qu’au Tchad. Vous avez des jeunes de moins de 29 ans qui sont ministres. Est-ce qu’il y en a au Cameroun à côté ? Au Congo-Brazzaville ? En Guinée équatoriale ? En RDC ? Prenez le cas aux États-Unis, qui sont la plus grande démocratie du monde, les candidats aux élections présidentielles. Donald Trump a quel âge ? Son challenger (Jode Biden, ndlr) en a combien ? En Allemagne…Je peux multiplier les exemples.

 

DW : Mais dans les pays que vous citez, les États-Unis, l’Allemagne, il n’y a pas cette barrière.

Jean-Bernard Padaré : Il n’y a pas cette barrière mais il n’y a pas non plus des gens qui, à 20, 30 ou 40 ans, prétendent être président de la République.   

 

DW : Vous savez très bien que, selon l’actuelle Constitution, un jeune de 30 ans peut déjà diriger un parti politique, il peut également être député, à 30 ans, bien évidemment diriger l’Assemblée nationale en tant que président, remplacer le chef de l’État en cas de vacance de pouvoir, à moins de 45 ans. Est-ce vous ne voyez pas d’incongruités dans cette nouvelle Constitution ?  

Jean-Bernard Padaré : Pas du tout ! Un jeune qui a 30 ans peut avoir son parti, il peut être député, il peut même être élu président de l’Assemblée nationale. Et il peut suppléer le président de la République en cas de vacance : c’est la suppléance. Mais ça veut dire qu’il n’est pas élu président de la République.

 

Idriss Déby est au pouvoir depuis 30 ans
Idriss Déby est au pouvoir depuis 30 ansImage : Présidence de la République du Tchad

DW : Est-ce que le régime MPS est en train de penser à la succession du président Déby après 30 ans d’exercice de pouvoir ?  Jean-Bernard Padaré : La nouvelle Constitution lui permet encore. Pourquoi changer ? Changer pour changer parce qu’il y a des observateurs comme vous, qui veulent absolument qu’on change au fur et à mesure qu’on avance ? Non. Nous avons besoin de lui, le devoir l’appelle. Et il sera là, jusqu’à ce que Dieu décide autrement. Mais tant qu’il est encore là et en bonne santé, nous au MPS, nous pensons que c’est notre champion et il le restera.  

 

DW : Selon certaines indiscrétions, l’actuel président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, ou encore le gouverneur de la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale), Abbas Mahamat Tolli, seraient des probables successeurs du président Déby.

Jean-Bernard Padaré : Je ne sais pas où vous trouvez vos indiscrétions, nous ne travaillons pas avec les indiscrétions, ni des supputations. On n’est pas dans une dévolution successorale. Ce n’est pas parce que X ou Y a des liens ou des accointances ou ont été membres de son gouvernement qu’on doit dire la succession. Pourquoi ? Ces indiscrétions, c’est des antipatriotes, des gens qui veulent créer de la zizanie entre notre sein. Ces camarades-là, ils sont bien là où ils sont. Qu’on ne créé pas de zizanies là où il n’y en a pas.  

 

DW : Jean-Bernard Padaré, je vous remercie.

Jean-Bernard Padaré : Je vous en prie.

Blaise Dariustone Correspondant au Tchad pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais