La Cour pénale spéciale à sec en RCA
5 juillet 2017Selon ses statuts, la Cour pénale spéciale dont le siège se situe à Bangui, est composé de 25 magistrats, 11 juges étrangers et 13 centrafricains.
Fin juin 2017, six premiers magistrats, dont le procureur spécial congolais Toussaint Muntazimi, ont prêté serment dans la perspective des premières enquêtes qui devraient commencer à l’automne 2017.
Cependant, le budget qui devait être alloué au fonctionnement de la nouvelle juridiction n’est toujours pas disponible dans sa totalité, en dépit des promesses faites par certains partenaires extérieurs de la RCA.
Au regard de l'urgence et de l'immensité de la tâche qui attend la Cour pénale spéciale, Lewis Mudge, chercheur à Human Rights Watch, en appelle à la mansuétude des donateurs internationaux:
"Ce n’est pas raisonnable de croire que ce gouvernement qui vient d’être mis en place en 2016, dans un contexte de guerre, sera capable de financer et de faire tout le travail en termes de logistique pour mettre en place cette structure. Mais on reste optimiste sur le fait que la Cour pénale spéciale va trouver un large soutien de la communauté internationale, précisément après que ses membres aient commencé effectivement leur travail."
Human Rights Watch a publié à ce sujet un rapport de 101 pages intitulé « Meurtres impunis : Crimes de guerre, crimes contre l’humanité et la Cour pénale spéciale en République centrafricaine ». L'ONG y présente un compte-rendu exhaustif des crimes de guerre commis dans trois provinces centrales du pays depuis la fin de 2014. L’ONG a noté le décès de plus de 560 civils et la destruction de plus de 4 200 habitations.
Le rapport ajoute que dans tout le pays, des groupes armés ont contraint des dizaines de milliers de personnes à abandonner leurs maisons pour se réfugier dans la brousse, où des centaines d’entre elles sont mortes de froid, de maladie ou de faim.
Les personnes handicapées ont été particulièrement exposées car elles ne pouvaient pas fuir rapidement et elles ont été confrontées à des obstacles pour accéder aux installations sanitaires, à la nourriture et aux soins médicaux dans les camps pour les personnes déplacées.
Le gouvernement confiant
Le gouvernement centrafricain espère tout de même que ce tribunal mixte permettra de mettre fin, ou au moins de résorber l’impunité en RCA. Ce processus devra aussi s’accompagner par la mise en œuvre du processus de DDR, démobilisation, désarmement et réconciliation, comme l'explique Jean Serge Bokassa, ministre de la Sécurité publique et de l'administration du territoire:
"Le peuple a trop souffert de l’impunité et aujourd’hui, je pense que la mise en place de cette Cour pénale spéciale traduit les aspirations et les volontés profondes du peuple. Le DDR sera toujours un levier dont devra se saisir le gouvernement pour mener à bien le programme démobilisation, désarmement et réinsertion, ainsi que le rapatriement."
La juridiction mixte de droit centrafricain aura également pour mission de contribuer à la restauration de l’Etat de droit et de la cohésion sociale. Doté d’un mandat de cinq ans renouvelable, la Cour pénale spéciale sera amenée à travailler en étroite collaboration avec la CPI, la Cour pénale internationale.
Aussi, cette Cour pénale spéciale dispose-t-elle de sa propre police judiciaire, de son propre parquet, ainsi que de tous les degrés de juridiction jusqu’à la chambre d’appel. Elle appliquera le droit et la procédure pénale en vigueur en République centrafricaine.
Notons que le procureur Toussaint Muntazimi est un fin connaisseur du droit international. Il a déjà instruit et poursuivi plusieurs chefs de groupes armés dans son propre pays, la République Démocratique du Congo.