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Pour Salif Keita, le Mali vit la "démocratie africaine"

13 novembre 2024

Salif Keïta soutient qu'il y a une démocratie africaine dont le Mali fait l'expérience. Le célèbre chanteur défend les autorités militaires, sans détour et dénonce la Cédéao.

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Une photo du chanteur Salif Keïta, sur scène en Turquie, tenant une guitare et coiffé d'un chapeau (Archives : Ankara, 03.06.2022)
Salif Keïta était invité au festival de Jazz de Leverkusen, le 11 novembre 2024Image : Mehmet Kaman/AA/picture alliance

Salif Keïta fait de la musique depuis les années 1980. Surnommé la voix d’or d’Afrique, celui dont l'œuvre compte pas moins d'une vingtaine d'albums a été nommé conseiller spécial du pouvoir militaire de transition au Mali. Au micro de Bob Barry, il affirme fermement son soutien aux militaires au pouvoir à Bamako dont il défend l'action.

Dans un rapport publié en 2023, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme a pourtant établi qu’environ 500 personnes avaient été sommairement exécutées et au moins 58 femmes violées par des soldats maliens et des mercenaires russes, au cours d’une opération de cinq jours menée à Moura, en mars 2022. 

Lisez et écoutez l'interview ci-dessous !

Le coup d'Etat au Mali

DW : Bonjour Salif Keïta, vous faites partie des artistes africains qui critiquent ouvertement les pouvoirs politiques en Afrique. Pourquoi avez-vous choisi de soutenir le pouvoir militaire au Mali ?

Salif Keïta : Parce que le Mali était un pays vendu et le peuple s'est soulevé pour sa souveraineté. Et les militaires sont venus clôturer leur soulèvement pour que le sang ne soit pas versé. Donc vraiment, on a besoin de ces militaires. C'est notre espoir.

DW : Plusieurs ONG internationales dénoncent justement les exactions et les violations répétées des droits humains au Mali.

Salif Keïta : C'est pas vrai. Quand un groupe de personnes aime son pays, on dit qu'ils vont à l'encontre de l'humanisme. Et vraiment, on est content qu'ils soient là parce qu'ils ont récupéré le pays, ils ont racheté le pays et ils ont donné leur poitrine à la mort, pour que le pays soit libre.

DW : Alors pourquoi avez vous quitté le CNT (organe législatif de la transition) ? Vous étiez quand même membre du Conseil national de transition.

Salif Keïta : Oui, je suis toujours avec eux. Mais comme je voyage beaucoup, je ne suis pas toujours présent et c'est pourquoi j'ai voulu être à côté du patron pour avoir un peu de temps libre.

Sale temps pour les opposants maliens 

DW : Plusieurs voix critique de la jeune sont aussi contraintes quand même de quitter le Mali. Le Mali est-il encore dirigé par des démocrates ?

Salif Keïta : Nous, on a notre démocratie. Nous sommes tous nés dans la démocratie et le Mali a la première démocratie du monde qui remonte à 1236. Le Mali n'est pas dans leur démocratie. Le Mali est dans notre démocratie africaine qui marchait très bien.

"Le Mali est dans notre démocratie africaine qui fonctionnait très bien" (Salif Keita)

Ceux qui quittent le Mali n’aiment pas ce pays, mais ils vont revenir parce qu’ils seront obligés de revenir parce que ce pays va vers le bonheur.

DW : Le Mali a aussi quitté la Cédéao. Est ce que cela ne vous inquiète pas ?

Salif Keïta : La Cédéao ne répond pas aux critères de défense de l'Afrique. C’est un instrument de manipulation. Et qu'est-ce qu'on va chercher dedans ? Si la Cédéao ne fait pas ce que nous on demande, ce dont nous on a besoin, pourquoi on va rester là ?

La Cédéao était entrain de nous détruire et ce n’est pas ce qu’on voulait. Nous aimons bien les membres de la Cédéao, nous aimons la Guinée, nous aimons la Côte d'Ivoire, nous aimons le Sénégal, nous aimons la Guinée-Bissau. On  les aime tous. On aime le Ghana. Nous aimons tous ceux qui sont dans la Cédéao. Mais la politique de la Cédéao va contre notre intérêt et il n'y a pas d’intérêt à rester dedans.

L'aventure au sein de l'AES

DW : Cela fait un an que l'Alliance des Etats du Sahel (AES) a été créée. Mais les attaques terroristes se poursuivent. Est-ce que c'était un bon choix pour le Mali, de sortir de la Cédéao, de créer l’AES ?

Salif Keïta : Oui, tout à fait. Parce que l'AES défend les intérêts de ces pays, empêche les terroristes de gagner du terrain. On va en finir. Toutes les choses se font progressivement et vraiment, vous allez voir, vous ne serez pas déçus dans quelques années de voir l'AES vide de djihadistes. Il n'y a pas de djihadistes, ça n'a rien à voir avec la région. Ce sont des gens qui sont payés et qui vont foutre la merde chez nous. Mais on va en finir inchallah.

DW : Etes-vous pour ou contre une probable candidature du président de la Transition, le général Goïta ?

Salif Keïta : Bien sûr. Qui d’autre on va prendre ? On ne va pas prendre d'autres personnes. Il est là. Il est jeune. Il a le temps de vieillir, le temps de comprendre le pays. Il comprend déjà le pays, il connaît tous les problèmes qui se posent au Mali. Donc qui d’autre va-t-on prendre ? Nous, on ne va pas prendre d'autres personnes. Il va rester.

Nous ne serons plus là à recommencer les élections comme les Occidentaux le veulent. Non ! Nous mettons quelqu’un qui connaît notre problème et qui est capable de le résoudre. Ce ne sera pas le choix des Occidentaux, on va prendre le choix des Maliens.

DW : Merci beaucoup, Salif Keïta !

Salif Keïta : De rien. C'est moi qui vous remercie.

Bob Barry Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@papegent