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Pourquoi les attaques s'intensifient au Niger ?

25 mars 2021

Plus de 300 civils ont été tués dans des attaques depuis le début de l'année 2021. Ces attaques peuvent être un signal du retour de l’Etat islamique. Analyse.

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La région de Tillabéri est régulièrement frappée par les groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à l'Etat islamique (EI).
La région de Tillabéri est régulièrement frappée par les groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à l'Etat islamique (EI).Image : Boureima Hama/Getty Images

Le Niger encore frappé par des attaques. Au moins onze personnes ont été tuées mercredi (24.03) dans trois villages de la région de Tillabéry, proche du Mali. Depuis le début de l'année, les attaques contre des civils se sont multipliées au Niger. Plus de 300 personnes ont été tuées dans trois séries d'attaques contre des villages dans l'ouest du pays. Aucune n'a été revendiquée. La dernière de ces attaques de grande ampleur a eu lieu dimanche 21 mars dans la région de Tahoua, faisant 137 morts en quelques heures dans trois villages touareg et des campements alentour.

 Thomas Schiller, responsable du programme régional pour le Sahel de la fondation allemande Konrad Adenauer à Bamako analyse cette situation.  

Thomas Schiller : Tout d'abord, il faut dire que depuis longtemps déjà, des civils à la fois au Niger, au Mali et au Burkina Faso sont des cibles d'attaques de groupes armés. C'est toujours très difficile aussi de dire avec exactitude quel groupe a commis quelle attaque. Ce n'est pas forcément l'État islamiste, ce n'est pas forcément le groupe proche d'Al-Qaïda. Il se peut aussi que ce sont des groupes avec un ancrage beaucoup plus local. Quelles peuvent être les motivations de ces attaques contre des civils? Parfois, c'est tout simplement aussi des raisonnements très locaux, c'est à dire la perspective de voler du bétail, de créer des espaces vides ou de punir tout simplement des populations pour leur coopération avec les autorités étatiques.

DW : Bazoum Mohamed prendra les rênes du Niger le 2 avril. Certains interprètent ces récentes attaques comme un message pour lui puisqu'il veut suivre les pas de son prédécesseur, c'est à dire le tout militaire dans cette lutte contre les terroristes.

Thomas Schiller : Je ne crois pas forcément que ce soit un message au nouveau président du Niger. Il y a quelques observateurs qui croient plutôt que c'est peut-être, mais on ne le sait pas encore, un signal du retour de l'Etat islamique qui a reçu de fortes frappes en 2020 par la force antiterroriste française Barkhane. Mais tout ça, on verra seulement un peu plus tard.

DW : Comment peut- on expliquer que des individus armés tuent une centaine de personnes dans une zone en état d'urgence et où les motos sont interdites et se retirent tranquillement ?

Thomas Schiller : Il s'agit de territoires immenses. Et si vous regardez rien que l'immensité des territoires dont on parle ici et vous comparez ça avec les quelques milliers des forces de sécurité qui ne peuvent pas être partout, c'est évident que ce genre de choses se passent. D'ailleurs, si vous regardez la situation au Mali, par exemple, au centre du pays, c'est pareil. Il n’y a tout simplement pas de troupes là-bas et c'est pour ça aussi que des massacres ont eu lieu sans que cela ait pu être évité. On parle ici aussi des Etats comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso, qui sont extrêmement faibles, qui n'ont pas de présence sur le terrain. Les Etats ne sont toujours pas en mesure d'exercer pleinement leurs fonctions dans tous le pays.

DW : Donc, ni la présence de la force française Barkhane, ni celle de la force conjointe du G5 Sahel ne résoudront ce problème de terrorisme, tant que l'Etat n'est pas présent dans certaines zones.

Thomas Schiller : Tout à fait. La présence de la communauté internationale, ça peut contribuer à sécuriser les zones. Mais une solution véritable à long terme, durable, n'existera que sous une seule condition : que les Etats de la région soient capables d'exercer pleinement leur autorité partout sur leur territoire. Et ça veut dire aussi que les citoyens adhèrent à leur Etat, respectent l'Etat et qu'il y ai aussi un développement sur place. Tout ça va calmer la situation, mais c'est un travail à moyen et à long terme. C'est pour ça, oui, il faut la communauté internationale, mais elle ne peut qu'aider. Le vrai effort à moyen et à long terme doit être fait par les Etats eux-mêmes.

Cliquez ici pour écouter l'analyse de Thomas Schiller