RDC : en exil, John Numbi s'adresse aux Congolais
9 octobre 2023"Chers compatriotes, après plusieurs années de silence et de retenue qu'imposait mon statut d'homme d'Etat, je me sens dans l'obligation de briser ce devoir." C'est en ces termes que John Numbi débute son adresse à la nation congolaise, diffusée dimanche 8 octobre. Pendant cinq minutes et 34 secondes, il revient sur l'accord conclu en République démocratique du Congo entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, qui a permis une passation pacifique du pouvoir en 2018.
Aujourd'hui, à moins de 90 jours de la prochaine présidentielle, l'ancien chef de la police en appelle, à mots à peine couverts, à une insurrection de l'armée : "L'armée et la police ainsi que toutes les forces de défense du pays ne sont plus liées au devoir d'obéir dès lors que le commandant suprême est devenu lui-même un danger par son immaturité, son incompétence notoire et son népotisme."
Appel à l’insurrection
Mais cette désobéissance au président semble peu probable à l'expert des questions sécuritaires Jean-Jacques Wondo. Celui-ci souligne "la dynamique militaire (...) assez complexe" d'une RDC où les forces armées sont cloisonnées.
"Aujourd'hui, il est difficile de voir un militaire ou un officier supérieur se lever, émerger, prendre une décision pour neutraliser les institutions, démettre le président, tout en étant suivi par les autres militaires", explique-t-il sur les ondes de la DW. "Cela est dû au fait de la structure, de la morphologie,de la composition et du fonctionnement de notre armée qui reste une sorte d'armée des milices. Par contre, je crains le cas d'un loup solitaire, d'un petit groupe de personnes qui veut tenter quelque chose sans nécessairement être sûr de pouvoir contrôler le pays. Et malheureusement ce genre d'actions se termine par des effusions de sang. "
Au sein de l'armée, cet appel pourrait être l'occasion d'exacerber les dissensions qui existent déjà, souligne Jean-Jacques Wondo. "Cet appel risque de créer une sorte de psychose au sein de l'armée et commencer à générer une chasse aux sorcières. C'est-à-dire que des personnes au sein de l'armée qui seraient catégorisées proches de l'ex-régime ou proches de John Numbi pourraient être indexées et commencer à être poursuivies et cela aussi peut créer des réactions pour éviter que cela ne puisse arriver et contrecarrer certains plans."
Général sous sanctions
En 2022, la RDC avait demandé l'extradition de John Numbi aux autorités zimbabwéennes dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, en 2010. Général proche de l'ancien président Joseph Kabila, John Numbi fait l'objet de sanctions européennes et américaines pour atteinte aux droits de l'Homme.
Pour Franck Citende, du Réseau national des ONG des droits de l'Homme, la place de John Numbi est en prison. "Le général John Numbi est un fugitif qui n'a de leçon à donner à personne", estime-t-il. "Il s'est soustrait de la justice congolaise dans l'affaire de l'assassinat des défenseurs des droits de l'Homme Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, sa place est en prison. Il croit qu'il peut créer la diversion pour espérer passer l'éponge sur tous les crimes qu'il a commis en RDC."
Jean-Jacques Wondo insiste par ailleurs sur le fait qu'il faut également tenir compte de la dimension régionale et du timing de la sortie de cette vidéo : John Numbi a toujours eu de bonnes relations avec les autorités rwandaises accusées d'agir en RDC via le M23.