RDC : en Ituri, "il faut aller au-delà du désarmement"
2 novembre 2023Dialogues communautaires et désarmement des milices... La recette est bien connue dans les pays africains en proie auxgroupes rebelles et conflits armés. Sans pour autant apporter les dividendes attendus.
En août 2021, Tommy Tambwe était nommé coordinateur du Programme de désarmement, démobilisation et relèvement communautaire et stabilisation (PDDRC-S), une nouvelle formule intégrant les communautés dans le processus de retour a la paix. Une initiative dans laquelle la Monusco fonde beaucoup d'espoir, notamment à l'approche de son départ.
Effectif dans l'Ituri où plusieurs groupes armés, y compris la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco), le programme a permis la construction d'un camp de démobilisation en bordure de Bunia, chef-lieu de la province. Mais pour quel résultat ? Pour la DW, Tommy Tambwe est revenu sur ses deux années à la tête du programme
DW : Quelle est la pertinence du PDDRC-S aujourd'hui en Ituri ?
Tommy Tambwe : La province de l’Ituri, avec ses cinq territoires, a des réalités différentes. Mais pour Djugu, le problème est plus communautaire. Il existe un regroupement de cinq communautés, le G5, qui se qualifie de victimes. De l’autre côté, nous avons la communauté Lendu, considérée comme l’agresseur.
Mais la réalité est qu’il s’agit d’un refus réciproque. C’est pourquoi il faut un travail de fond qui doit aller au-delà du désarmement. Car au-délà du rejet réciproque, il y a une forte question des ressources minières. Les gens pensent qu’ils peuvent s’opposer ou résister parce que leurs intérêts sont mis à mal.
DW : Vous avancez que le dialogue est un moyen pour la résolution, mais comment l’appréhender ?
Tommy Tambwe : Nous avons travaillé sur le dialogue intra-communautaire, maintenant nous nous attaquons au dialogue intercommunautaire. Où les Hemas et les Lendus pourraient s’asseoir et de dire toutes les vérités. Où ils pourraient se dire que chacun a fait du mal à l’autre, qu’ils acceptent de se pardonner et de commencer une nouvelle vie.
En parallèle, un autre segment est important. Nous devons avoir des institutions qui rendent la justice. Il nous faut une police de proximité, auprès de laquelle les gens puissent avoir recours pour trouver des solutions. Evidemment, si les gens détiennent eux-mêmes la justice, ils s’entretuent.
On ne construit pas dans la guerre. C’est après la guerre que nous travaillons sur la stabilisation pour mettre en place ses jalons. D’abord il faut une opération militaire. Puis il faut remettre la police et ensuite construire des tribunaux pour enfin s’occuper de l’amélioration des communautés à la base : la construction de routes et de dessertes agricoles, la distribution de l’eau et de l’électricité, mise en place d’école. Ce sont des éléments clés de la stabilisation et c’est ce que nous sommes en train de faire.
DW : D’un côté, vous parlez d’opération militaire, mais le P-DDRCS est pourtant un engagement militaire.
Tommy Tambwe : Nous n’encourageons pas la guerre. Lorsqu’un groupe armé est sensibilisé et qu’il se rend, il n’y a pas de problème. Mais celui qui refuse, il faut agir. A ce moment, cela ne relève pas du rôle du P-DDRCS. C’est le rôle de l’armée, de la police, qui obéissent à l’Etat. Nous ne sommes pas en contradiction avec les politiques du gouvernement. Nous sommes ici pour recevoir. Mais si le gouvernement frappe et qu’ils se rendent… Parfois, il est judicieux de sortir le batôn…
DW : Vous dites être en contact avec les neuf factions de la Codeco et pourtant une seule se trouve sur le site de démobilisation de Bunia. Où sont les autres ?
Tommy Tambwe : Vous avez raison. Les autres observent. Ils me disent qu’ils souhaitent venir mais ils veulent d’abord voir comment les personnes sur place sont traitées.
Et il ne faut pas oublier que nous sommes dans une période pré-électorale. Vous voyez ces candidats, qui préparent la campagne ? Chacun a son discours. Et certains d’entre eux sont derrière ces groupes. Ils ont reçu des instructions disant qu’il ne faut pas laisser passer tel candidat, par exemple. Donc nous sommes certains qu’après les élections, cela fonctionnera.