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Une femme sur dix est victime de viol dans l'est de la RDC

1 octobre 2024

L'organisation Médecins sans frontières s'inquiète de la hausse des violences sexuelles en RDC, notamment dans les camps de déplacés du Nord-Kivu.

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RDC: Trois femmes de dos à contre-jour devant une fenêtre dans le camp de Mugunga (illustration)
Une femme est violée toutes les 4 minutes dans l'est de la RDCImage : Habibou Bangre/AFP/Getty Images

Dans l'est de la République démocratique du Congo, selon les chiffres du Bureau de la coordination humanitaire des Nations unies, près de huit millions de personnes ont fui les combats entre l'armée congolaise et les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. Dans la province du Nord-Kivu, les déplacés internes ont fui l'avancée du M23 pour se réfugier aux abords de Goma, la capitale provinciale. 

Dans cette fuite, les femmes sont souvent les premières victimes.

Médecins sans frontières affirme avoir pris en charge 23.000 victimes de violences sexuelles, en 2023, dans l'est de la RDC. MSF évoque "un nombre sans précédent" et une tendance qui s'accélère.

Plusieurs responsables de l'ONG Médecins sans frontières ont publié aujourd'hui [01.10.24] une tribune dans le quotidien français Le Monde pour dénoncer la hausse des violences sexuelles dans l'est de la RDC. 

Une femme sur dix au moins

Les femmes qui vivent dans des camps formels ou informels de déplacés sont particulièrement exposées à ce type de violences et d'abus.

Christopher Mambula, responsable de programmes pour Médecins sans frontières en RDC, confirme une hausse spectaculaire du nombre de victimes recensées depuis l'avancée du M23 dans la région de Goma. 

70% des auteurs de viols seraient des hommes en armes, appartenant aux deux camps. Mais les victimes prises en charge par MSF ne représentent qu'une petite partie du nombre total de victimes de viols.

"Ce n'est pas tout le monde qui ose [en parler] ou se sent assez en sécurité pour se présenter dans les structures", explique Christopher Mambula, qui poursuit : "Deuxième chose, parmi ces personnes-là, certaines ont été violées plus d'une fois […]. Les gens qui se retrouvent dans les camps de déplacés n'obtiennent pas une aide adéquate, donc ils doivent sortir pour en chercher. Et quand on parle de "sexe transactionnel", malheureusement, parfois, c'est juste pour avoir accès aux champs, ou pour avoir le droit d'aller chercher du bois, etc..."

Des gens et des tentes dans le camp de Mugunga, aux abords de Goma (ilulstration)
Les conditions de vie dans les camps de déplacés sont terribles du fait de la promiscuitéImage : Moses Sawasawa/AP/picture alliance

Un véritable "fléau"

Désormais, plus de huit millions de personnes vivent dans des camps de déplacés internes dans l'est de la RDC. Leur nombre a augmenté de 2,4 millions depuis le début de l'année.

Parmi les déplacées, une femme sur dix déclare avoir été victime de violences sexuelles. Bintou Keïta, cheffe de la Monusco, la mission des Nations unies dans le pays, a parlé, hier, devant le Conseil de sécurité, de " fléau".

Elle rappelle elle aussi que, toutes structures humanitaires confondues, la prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles atteint un record sinistre depuis le début de l'année.

"Au cours du premier semestre de l'année, plus de 61.000 victimes ont été traitées par les partenaires humanitaires. Soit une augmentation de 10% par rapport au premier semestre 2023. Cela représente une victime toutes les quatre minutes. Trois à la fin de mon exposé et plus de 20 à la fin de cette session. Ce fléau, qui touche principalement les femmes et les filles, victimes du conflit dans l'est du Congo, aura des répercussions durables sur le tissu social."

Une foule de femmes du camp de déplacés de Minova (illustration)
Les violences provoquent des mouvements de populations très importantsImage : ALEXIS HUGUET/AFP

Crimes de guerre

Plusieurs organisations comme Human Rights Watch dénoncent des crimes de guerre à grande échelle, commis en toute impunité.

"Nous sommes particulièrement préoccupés maintenant de la situation depuis le début de l’année, quand les forces rwandaises et le M23 ont encerclé la ville de Goma, où se trouvent non seulement les habitants de Goma mais aussi un demi-million de personnes déplacées qui pensaient trouver refuge là, déclare ainsi Clémentine de Montjoye, chercheuse du bureau Afrique de HRW, dans une interview à la DW.

"Mais, ajoute-t-elle, ces personnes se sont retrouvées confrontées aux tirs d’artillerie de la part des forces rwandaises et du M23 qui touchent aussi les camps de déplacés. L’un de ces tirs a fait 17 morts, dont 15 enfants. Mais aussi à des abus de la part des forces congolaises et des milices auxquelles elles se sont alliées, qui entrent dans les camps, tirent à feu ouvert, ont exécuté des civils, des jeunes enfants, parfois, des cas de viols en quantité absolument ahurissante."

Ces violences quotidiennes s'ajoutent aux autres sources d'insécurité – besoins alimentaires et en soins médicaux – auxquelles les acteurs humanitaires ne parviennent pas à répondre dans la région.

Une latrine pour 200 personnes

Christopher Mambula, de Médecins sans frontières en RDC, témoigne des conditions de vie déplorables des personnes déplacées qui manquent, entre autres choses, de nourriture et de soins médicaux, dans la région de Goma :

"Nous avons la question des maladies transmissibles : tout ce qui est choléra qu’on a connu dans ces zones-là, la rougeole qu’on a connue en 2023 dans certains camps, le paludisme… et toutes les maladies chroniques. Malheureusement, la géographie d’une ville comme Goma est aussi très problématique. C’est très difficile de creuser une latrine sur des terres volcaniques. Et comme il n’y a pas d’écoulement, il faut les vider souvent car ça se remplit vite. Il y a certains endroits où il y a 100 ou 200 personnes pour une seule latrine."

Pour améliorer la situation, MSF réclame une coordination plus efficace et des financement plus importants, alors que le plan de réponse humanitaire pour la RDC n'est actuellement financé qu'à hauteur de 37%.