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Soudan : retour aux pratiques de l’ancien régime

Patricia Huon
12 novembre 2021

Un nouveau Conseil de transition faisant la part belle aux militaires vient d’être annoncé. Reportage à Khartoum.

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Sudan Khartum Proteste gegen Militärputsch
Image : MOHAMED NURELDIN ABDALLAH/REUTERS

Plus de deux semaines après le putsch du 25 octobre, la composition d’un nouveau gouvernement se fait toujours attendre et le Premier ministre de la transition, Abdallah Hamdok, n’est toujours pas libre de ses mouvements. Entretemps, la junte poursuit la répression de l'opposition et procède à des purges, ouvrant la voie à d’anciens cadres du régime du président Omar Al-Bachir, déchu en avril 2019.

Ecoutez le reportage de notre correspondante à Khartoum

Nous avons rencontré à Khartoum des membres d’un comité de résistance, ces groupes organisés par quartier, et qui furent des pivots de la révolution soudanaise. Dans la pénombre, sur un terrain vague, une vingtaine d’hommes et femmes sont ainsi réunis.

Ce jour là, ils sont sur leur gardes, certains ne se déplacent plus avec leur téléphone, de peur que leurs mouvements soient suivis. "Lorsqu’ils font des arrestations, ils gardent ceux qui ont des activités politiques", explique un habitant. "Ils arrêtent aussi des jeunes, ils les humilient et les frappent, avant de les relâcher", poursuit-il.

Dimanche dernier (7.11), une centaine de personnes, en majorité des enseignants, ont été arrêtés lors d’une manifestation devant le ministère de l’Education. "D’abord, ils ont lancé des gaz lacrymogènes", raconte une institutrice, présente lors de la protestation. "Nous nous sommes réfugiés dans les bâtiments et la police est entrée, ils avaient des fouets et des tuyaux de plastique à la main", explique-t-elle.

Vague d’arrestations

Les femmes ont été relâchées après plusieurs heures, les hommes ont été maintenus en détention. Depuis le coup d’état du 25 octobre, des dizaines de leaders des comités de quartiers ont été arrêtés. Des ministres, des représentants de la société civile et des partis d’opposition sont également toujours incarcérés, ou en résidence surveillée. 

A (re)lire également : Soudan : le coup d'Etat met un frein à l'aide internationale

Par ailleurs, selon plusieurs sources, au sein des ministères et de l’Administration, des directeurs de départements ont été remplacés, assez discrètement, par des proches de l’ancien régime. Une manœuvre inacceptable pour Omar Babikir, un des dirigeant de l’association des enseignants à Khartoum : "Ils ont fait des changements rapidement. Au ministère de l’Education à Khartoum, ils ont limogé le directeur qui était très actif pendant la révolution. Ils l’ont remplacé par un pilier de l’ancien régime."

Le général Abdel Fattah al-Burhan n'a pas les faveurs de la rue
Image : /AP/dpa/picture alliance

Gagner du temps, alors que les négociations sont censées se poursuivre, tout en muselant l’opposition. Pour Tahani Abbas, juriste et activiste féministe, il s’agit d’un retour aux anciennes méthodes : "Pendant la révolution, les militaires s’en sont pris à ma maison, ils me cherchaient, m’envoyaient des messages. J’ai dû envoyer mes deux enfants, de quatre et cinq ans, en dehors de Khartoum, chez ma mère. Et aujourd’hui, c’est la même situation."

Alors qu’un air de déjà vu règne au Soudan, les comités de résistance et la société civile ont appelé la population à se mobiliser, ce samedi 13.11), pour une nouvelle marche de contestation.