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Une plainte déposée à Paris contre Alpha Condé

Nadir Djennad
5 août 2020

Interview avec Ibrahim Sorel Keïta, représentant de la diaspora guinéenne, qui estime que le président de Guinée n'est plus légitime.

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Un collectif d'opposants guinéens a déclaré avoir déposé une plainte devant le Parquet financier de Paris, mardi 4 août, contre le président Alpha Condé et plusieurs proches pour corruption, trafic d'influence et blanchiment de corruption.

Le Collectif pour la transition en Guinée, regroupant des membres de la diaspora guinéenne, est à l'origine de la plainte. Le Collectif dénonce des liens opaques entre le pouvoir de Conakry et la société française Alliance minière responsable (AMR) créée en 2015 pour exploiter la bauxite en Guinée.
Alors que le parti au pouvoir, le RPG-Arc-en-ciel, débute aujourd’hui son congrès pour désigner son candidat pour la présidentielle du 18 octobre, le Collectif pour la transition en Guinée estime que le président Alpha Condé n'est plus légitime pour diriger le pays.
Ibrahim Sorel Keita est le porte-parole du collectif et il est notre invité de la semaine. Il répond à Nadir Djennad.
 

DW : Ibrahim Sorel Keïta Bonjour, bonjour, vous dites que le président Alpha Condé et son « clan », je cite, doivent rendre des comptes à la justice. Que reprochez-vous précisément au président guinéen ?

 

Nous reprochons au président guinéen certains types d'attitudes, de comportements, liés à des conclusions de contrats d'exploitation minière. Pour être très précis, la société AMR, c'est la société Alliance minière responsable, qui est une société détenue par un homme d'affaires français, qui obtient dans un premier temps un permis d'exploration minière dont il ne fait rien du tout. Aucune activité reconnue en Guinée. Deux ans plus tard, on lui attribue, par décret du président de la République en 2017, un permis d'exploitation minière qui permet à Romain Girbaud, cet homme d'affaires français, de réaliser une plus-value parce que tout cela est rétrocédé à une société qui s'appelle SMB. Et ça fait l'objet d'une plus-value énormissime puisque les chiffres évoqués font état de plus de 200 millions de dollars. Et cette somme-là, bien entendu, c'est une somme qui appartient aux populations guinéennes.

 

DW : Quels sont les éléments de preuve que vous avez en votre possession ?

 

Nous avons des témoignages. Nous avons des documents également qui ont été rassemblés par des médias notamment.

 

DW : Vous savez que les tribunaux français sont souvent débordés. Croyez-vous qu'une plainte contre un chef d'Etat étranger puisse sincèrement déboucher sur un procès ?

 

Un jour, nous pensons que la plainte peut déboucher. Souvenez-vous que ici même en France, des plaintes auxquelles personne ne croyait ont débouché sur des mises en examen, voire même des condamnations, même si cela s'est révélé par du sursis. On sait que des anciens chefs d'Etat, en l'occurrence un ancien chef d'État, a été condamné. Un autre, voire deux autres, ont été mises en examen. Donc, aujourd'hui, quand même, la justice est capable de surprendre. Positivement, bien entendu. Et à partir du moment où un certain nombre de protagonistes ont la double nationalité, ils sont aussi français. Donc c'est tout à fait normal que la justice s'y intéresse. Et aujourd'hui, les questions de gouvernance sont d'actualité parce que par ailleurs, ce que nous risquons, c'est que le président Alpha Condé soit à nouveau candidat alors que la Constitution le lui interdit.

 

Manifestations en 2019 à Conakry contre Alpha Condé
Manifestations en 2019 à Conakry contre Alpha CondéImage : Getty Images/AFP/C. Binani

DW : Justement, le parti au pouvoir RPG Arc-en-ciel organise une convention à Conakry les 5 et 6 août pour désigner son candidat à la présidentielle, prévue le 18 octobre prochain. Vous dites qu'Alpha Condé n'est plus légitime à diriger le pays. Quelle va être votre stratégie pour l'empêcher de briguer un troisième mandat ?

 

Alpha Condé n'est plus légitime. Au-delà de l'action judiciaire que nous entreprenons, en raison des tueries et des massacres qui ont jalonné cette décennie terrible, cette décennie sanglante de 2010 à 2020.

On enregistre plus de 200 morts. Des citoyens pacifiques, je le précise. Rien que cela disqualifie le président Alpha Condé parce qu'il a une responsabilité, qu'elle soit directe ou indirecte. Et donc, nous, ce que nous faisons au niveau de l'action judiciaire, ça participe de cette pression qu'il est important d'exercer sur Alpha Condé et son régime pour lui dire que ce n'est pas possible de fonctionner comme ça dans une action judiciaire.

 

DW : Mais en termes d'action politique, par exemple, est ce que vous allez vous investir sur le plan politique pour cette élection présidentielle ? Appelez-vous à une candidature unique de l'opposition, par exemple ? Il y a-t-il une personnalité que vous pourriez soutenir pour cette prochaine élection présidentielle ?

 

Non. Là-dessus, c'est très clair. Nous appelons à la mise en place d'une transition en Guinée. Une transition, c'est à dire une pause pour assainir la situation politique guinéenne, pour répondre aux urgences sociales, économiques et sanitaires en Guinée. Pour nous, c'est une priorité. Il faut aussi mettre en avant toute une dynamique d'insurrection civile et citoyenne, d'insubordination civique et citoyenne qui fasse tomber ce régime.

 

DW : L'opposition organise depuis octobre des manifestations contre un éventuel troisième mandat. Pour vous, il faut continuer les manifestations ?

 

Nous pensons qu'il faut continuer les manifestations. Il faut donc à la fois au niveau de la diaspora, au niveau de l'étranger, mettre vraiment la pression maximum judiciaire d'interpellation des autorités des Parlements, de l'Union européenne, de l'Union africaine, de la Cédéao. Il faut que tout le monde considère que cette affaire guinéenne nous concerne tous. Parce que si la Guinée s'écroule, eh bien les répercussions vont être très fortes en Afrique et même en France.

 

DW : Merci beaucoup Ibrahim Sorel Keïta d'avoir répondu aux questions de la Deutsche Welle.