Trains, hôpitaux universitaires, métros, bus, aéroports, agriculteurs... La liste des grèves et manifestations ne cesse de s'allonger depuis le début de l'année en Allemagne. Il y a eu les défilés des agriculteurs d'abord début janvier. Puis ce sont les salariés qui ont cessé le travail : d'abord les conducteurs de train, avec six jours de grève fin janvier. Une grève historique par sa durée. Les médecins des cliniques universitaires ont aussi fait grève le 30 janvier.
Puis les salariés des transports locaux, des bus, métros ou encore trams ont pris le relais dans presque tout le pays. Des pilotes d'avion aussi. Et ce mercredi 7 février ce sont les personnels au sol des aéroports. "Qui est en grève aujourd'hui ?", demandent ironiquement certains journaux allemands en envoyant les nouvelles du jour le matin. Dans les grandes villes on compte les défilés, cela fait parler dans les médias ou pendant la pause café dans les entreprises.
"C'est surtout dû au fait que les grèves ont lieu dans des domaines, par exemple dans le secteur des transports, où beaucoup de citoyens sont concernés", raconte Thorsten Schulten de la fondation allemande Hans-Böckler, proche des syndicats.
Pourquoi ces grèves ?
Dans de nombreux secteurs des négociations sur les conventions collectives et les salaires ont lieu en ce moment. Elles ont lieu de manière régulière en Allemagne et c'est le moment où les syndicats émettent des revendications : des hausses de salaires par exemple. Dans les aéroports, le syndicat Ver.di réclame une augmentation de 12,5% des salaires pour le personnel au sol de la compagnie Lufthansa.
Des augmentations réclamées ailleurs aussi face à l'inflation en Allemagne. "De très nombreuses personnes ont aujourd'hui un pouvoir d'achat plus faible, parce que les salaires ont augmenté nettement moins que les prix au cours des trois dernières années et que les gens souhaitent maintenant une compensation pour cette perte de pouvoir d'achat", explique Marcel Fratzscher de l'Institut de recherche économique allemand. Face à un monde du travail bouleversé par la pandémie de Covid-19, l'instauration du télétravail, des relations au travail qui changent, certains syndicats se battent aussi pour des modifications des conditions de travail.
Dans le secteur ferroviaire le syndicat GDL réclame un passage à la semaine de 35 heures sur quatre jours, contre 38 heures hebdomadaires actuellement. Des revendications que peuvent porter les syndicats de nombreux secteurs, en position de force, alors que l'Allemagne manque de main d'oeuvre. "Nous avons 1,8 million d'emplois vacants", détaille Marcel Fratzscher. "Cela rend les salariés plus sûrs d'eux, ils exigent de meilleures conditions de travail, un meilleur salaire et veulent les imposer".
Bientôt une "situation à la française" ?
Ainsi les grèves se multiplient, et pas depuis cette année seulement. La fédération des syndicats allemands, qui regroupe divers syndicats, a enregistré une hausse de ses adhérents en 2023. Le nombre de grèves augmente aussi. Même si les chiffres définitifs pour 2023 ne sont pas encore disponibles, la tendance serait la hausse. Des grèves ont eu lieu l'an dernier dans la sidérurgie, la santé ou encore la fonction publique.
Alors risque-t-on bientôt de se retrouver "dans une situation à la française" comme le titrait tout récemment un quotidien allemand, faisant référence à la France voisine, toujours en tête de liste, avec la Belgique, des pays où le nombre de jours de grève est le plus important ? Les habitudes sont-elles en train de changer en Allemagne, souvent vu comme le pays roi de la négociation à l'étranger ?
"Nous voyons certainement plus de grèves aujourd'hui qu'il y a dix ou vingt ans. Toutefois, il y a bien sûr eu des phases en Allemagne, comme dans les années 1980, où les grèves étaient très nombreuses. On l'oublie souvent", répond Marcel Fratzscher. Si on regarde les moyennes des jours de grève à l'international ces dernières années, l'Allemagne est aussi toujours en milieu de tableau. 18 jours de grève par an en moyenne pour 1.000 salariés entre 2011 et 2020 selon la fondation Hans-Böckler. C'est 97 en Belgique ou 93 en France sur la même période.
Un droit de grève très encadré
"L'Allemagne ne deviendra donc pas le pays des grèves", assurait la radio publique Deutschlandfunk il y a quelques jours. Cela tient notamment au fait que le droit de grève est très encadré en Allemagne. Il est bien inscrit dans la loi fondamentale, la Constitution allemande. Mais les syndicats peuvent appeler à la grève seulement pour négocier sur les salaires et les conventions collectives.
Pas de grève politique générale autorisée : impossible par exemple d'appeler à la grève pour faire pression sur le gouvernement pour qu'il prenne des mesures en faveur de l'environnement. Ou pour manifester contre l'extrême-droite, c'est pour cela que les défilés récents contre le parti AfD avaient lieu le week-end par exemple. Et si une convention collective, souvent conclue pour un temps donné limité, est en vigueur, il existe ce qu'on appelle "l'obligation de paix sociale". Pas question par exemple de revendiquer une semaine de quatre jours, si une convetion collective encore valable un an en prévoit cinq. Il faudra attendre.
Les fonctionnaires comme les professeurs ont aussi interdiction de faire grève, devant loyauté à l'Etat. Tout cela créé de nombreux débats... Pas nouveaux, mais toujours actuels. Les uns réclamant un droit de grève plus large, les autres plus encadré. En attendant l'année 2024 ne fait que commencer... Et d'autres grèves sont à prévoir dans les mois qui viennent car de nombreuses conventions collectives arrivent à échéances cette année.
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"Ramenez-les à la maison maintenant"
Le grand reportage de Vu d'Allemagne est cette semaine en Israël, où depuis plusieurs semaines, chaque samedi, des milliers de personnes défilent à travers tout le pays. Elles demandent la libération de la centaine d'otages encore aux mains du Hamas, depuis les attaques terroristes du 7 octobre. Les manifestants demandent aussi au gouvernement de négocier, de faire de ces libérations sa priorité.
Un retour dans la rue pour les Israéliens après les manifestation contre la réforme judiciaire l'an dernier, presque stoppées par le choc des attentats. Les critiques contre le gouvernement et sa politique se font à nouveau entendre. Reportage à Tel Aviv d'Helene Machline et Anton Kutcher.
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